lundi 3 décembre 2012

Visite sur le F-BTGV

Si vous suivez les actualités de mon autre blog sur Hist'Aero, vous savez déjà que je suis allé visiter le "Cold War Jets Museum" de Bruntingthorpe. Le principal but de la visite était de rencontrer le Super-Guppy n°1, le F-BTGV, et son équipage. (Voir son histoire ici)

Le premier Super-Guppy Turbine, le F-BTGV, n°1
J'avais donc pris contact avec le responsable de la restauration du n°1 pour fixer une date et venir voir ce Guppy, identique à quelques détails près au n°2 que je connais si bien.  Ma fiancée et moi-même sommes donc arrivés à Birmingham en fin de matinée le dimanche pour la visite, après une bonne heure de conduite du "mauvais côté" de la route.

Le F-BTGV est garé sur un emplacement de tarmac en plein cœur du "Cold War Jets Museum" qu'il domine de son imposant fuselage. L'appareil était déjà ouvert, et j'ai pu rencontrer l'équipe qui travaillait dessus. Ce fut l'occasion de faire un tour extérieur et intérieur de l'appareil, le tout sous un magnifique soleil, chose loin d'être évidente, vu que nous avions eu principalement de la pluie à Birmingham.

Un Guppy qui a de la place !

Côté extérieur, la décoration est la même que le numéro 2 de Toulouse, la livrée "arc en ciel",à la différence près que les bandes de couleurs ont été repeintes sur une bonne partie du fuselage, donnant un aspect un peu plus "neuf" à l'appareil. Mais en regardant de plus près, on s'aperçoit vite que l'appareil souffre beaucoup du climat : corrosion et mousse fleurissent sur les parties basses de l'appareil. L'objectif de l'équipe est de s'attaquer au nettoyage de la partie basse, afin de la repeindre avec de la peinture anticorrosion. Rappelons que le Super-Guppy n'est pas peint : sa couleur aluminium est le finish naturel du métal, un peu terni par le temps, il faut bien l'avouer. Le numéro 1, comme le numéro 2, n'échappe pas à la règle.

Un aspect très terne...et une gouverne qui n'est plus dans l'axe...
Les commandes de vol n'étant pas bloquées, la dérive verticale a été déplacée et endommagée par le vent, elle est à présent coincée en position extrême sur la gauche. J'en ai donc profité pour recommander le blocage des commandes en utilisant les peignes de blocage de la soute inférieure avant, chose qui a été faite…le lendemain de ma visite ! Le blocage des commandes a permis d'enlever la corde qui entravait les deux volants de manœuvre du cockpit !

Les guide-câbles sont en place

On trouve quelques dommages sur la carlingue, dont un impact majeur qui avait cisaillé des cadres. La réparation à été faite de manière professionnelle.

Côté intérieur, l'aménagement est différent du numéro 2. En effet, l'équipe du numéro 1 à choisi de percer le plancher de la soute principale au niveau de la soute arrière. Une échelle permet ainsi d'accéder à la soute principale sans passer par le cockpit. Plus simple qu'à Toulouse pour les visiteurs, même si je regrette la contorsion qu'il faut effectuer pour monter ou descendre dans le cockpit, qui distingue les "pros" des autres ;-)

Un accès facilité pour les touristes ;-)
Le plancher de la soute est recouvert de planches de bois, ce qui évite les soucis du #2 où il faut faire attention aux endroits où l'on met les pieds, mais enlève l'aspect "métallique aéro" de l'appareil. Les panneaux en fibre de verre ont été repeints, ce qui donne un aspect beaucoup plus lumineux à la soute.

On a de la lumière à bord ! L'équipe a posé des spots de chantiers qui sont alimentés par une source extérieure, ce qui permet d'avoir de l'éclairage dans la soute cargo et les deux soutes intérieures. Une autre surprise nous attendait : un groupe local de hard-rock avait "emprunté" l'appareil pour en faire son studio…nos pauvres oreilles n'ont pas été ravies...

Vue de la soute cargo...les instruments de musique au fond ne font pas partie du décor en temps ordinaire !
Au niveau de la porte cargo, on remarque un jeu assez important en regardant vers le haut. Le F-BTGV connait quelques problèmes de porte, qui ne peut pas être complètement fermée, vraisemblablement suite à une ouverture puis fermeture avec un lest trop lourd dans le nez de l'avion.

On ne dirait pas, mais il y a un sacré écart en haut !

Visite ensuite dans le cockpit, où il manque de nombreux instruments, dont le grand trou au milieu, l'écran du radar. Ces instruments ont été volés par des personnes indélicates à une époque où l'avion restait ouvert sans surveillance. L'équipe a remplacé plusieurs instruments par des panneaux de Boeing 747, qui ne sont pas identiques aux originaux, mais qui permettent au moins de combler quelques trous. Malheureusement on ne peut pas faire grand-chose pour l'écran du radar, qui est assez large et manque vraiment comme le nez au milieu de la figure. Si quelqu'un possède un "Color Digital Monitor MI 585.162-2 RCA" merci de se signaler !

Des sacrés trous ! Planche de bord
Soute inférieure ensuite, où j'ai pu voir un élément que je n'avais encore jamais vu : la "tee bar", barre de guidage du diabolo de manœuvre pour l'ouverture du nez. Cette barre assez lourde se branche sur la base du diabolo de manœuvre, et comporte un bouton "open/close" ainsi qu'un bouton d'alimentation du circuit. Nous en avons les plans à Toulouse, mais cette barre n'a pas été livrée en même temps que le F-BPPA.

La fameuse "Tee Bar"
Le rack radio est à peu près complet, les principaux boitiers sont présents. Aucun besoin d'une lampe torche pour vérifier tout ça, ça me fait très bizarre ! Plus en arrière, la centrale de conditionnement d'air est complète, autre différence avec le F-BPPA !

La centrale de conditionnement d'air (ou ECS)
Ensuite nous avons pu aller un peu plus au chaud autour d'un café pour discuter des chantiers sur les deux avions. L'ambition de l'équipe du n°1 est de préserver l'appareil en le remettant autant que possible dans son jus. Le travail principal consiste à nettoyer et protéger l'extérieur de l'avion, ainsi que nettoyer et compléter l'intérieur (soute et cockpit).

Ah, c'est rangé par ici ! (cloison arrière du réservoir de carburant central)

Ce voyage a été l'occasion de partager mes connaissances du Super-Guppy avec une équipe motivée et qui ne demande qu'à protéger ce bel appareil. N'ayant reçu aucune documentation avec l'avion, ils avaient déjà contacté la NASA, qui leur avait donné les manuels de vol et de maintenance N941NA. J'en ai donc profité pour faire un "échange" en leur donnant des copies électroniques de la documentation du numéro 2, en échange de la documentation de la NASA qui viendra enrichir la collection des Ailes Anciennes !

F-BTGV

Deux Guppy de visités, encore deux à faire !

Many thanks to Gaz, Ash, Ollie, Greg and Emma for their warm welcome and the private tour of the Guppy. I was glad to discover your aircraft and see all the wonderful work you are doing there. It was a real pleasure to meet all of you !

samedi 24 novembre 2012

Le 941 toujours au service de la NASA

Après un été particulièrement chargé, le Super-Guppy de la NASA, le N941NA, ex F-GEAI, reprend du service pour la conquête spatiale. Sa nouvelle mission va consister à transporter des éléments pour la capsule "Orion", la nouvelle capsule spatiale du nouveau programme de vol habité de la NASA.

Le Guppy N941NA en pleine préparation pour sa nouvelle mission

Une des premières missions pour le Guppy va être de transporter le bouclier thermique de la nouvelle capsule. Ce bouclier forme la base du cône de la capsule et son rôle est de protéger la capsule de l'échauffement durant la rentrée dans l'atmosphère.

Le premier exemplaire de la capsule est actuellement en cours d'assemblage en Floride au centre spatial Kennedy. Cet assemblage a débuté fin Août et devrait durer 17 mois. Les différents sous-ensembles sont construits à travers tout le pays. Lockeed Martin se concentre à présent sur la fabrication du bouclier thermique dans son usine de Denver (Colorado). Il est constitué de plusieurs couches d'un nouveau matériau composite, répondant au doux nom de AVCO 5029-39 HCG, et devant résister jusqu'à une température de plus de 2500°C.

Vue d'artiste du future vaisseau "Orion" avec son module de service (en bas) et son module de commande (en haut). La base du module de commande est composée du bouclier thermique


Une fois cet ensemble intégré, il faudra le transporter jusqu'en Floride, et c'est là que le Guppy entre en jeu. Avec un diamètre de 5,2 mètres, le bouclier thermique ne peut pas rentrer dans un avion cargo classique, mais il tiendra confortablement dans le Guppy et son diamètre interne de 7,7 mètres !

Un premier test de la capsule Orion est prévu pour la fin de l'année 2013 ou début 2014, avec un lancement prévu au sommet d'une fusée "Delta IV". Ce vol, dénommé Exploration Flight Test 1 (EFT-1), sera un vol inhabité destiné à tester les systèmes de vol et de rentrée dans l'atmosphère du véhicule.

Le Guppy a encore de belles missions à venir !

Carburant

Le Super-Guppy possède un circuit de carburant "classique" pour un avion des années 40. Les réservoirs sont en fait composés de plusieurs cellules en plastique souple (1). Ces cellules sont reliées entre-elles en plusieurs groupes formant des réservoirs. Chaque réservoir possède ses propres pompes et systèmes d'aspiration, alimentant un moteur en particulier. Une rampe permet l’interconnexion des différents réservoirs. Voir le schéma (2) pour une vue plus détaillée.

Schéma d'une cellule de carburant


Le Super-Guppy possède 5 réservoirs, totalisant 35 éléments en plastique souple, pour une capacité totale de 29 490 litres de kérosène (3). Il possède deux réservoirs par aile et un réservoir central, situé dans la soute inférieure au même niveau que l'emplanture des ailes.
Schéma d'une partie du circuit carburant du Stratocruiser / Guppy
Les réservoirs peuvent être remplis sous pression via la rampe d'alimentation générale, via une prise  située sous l'aile gauche de l'appareil. En cas de besoin, les réservoirs peuvent également être remplis par gravité (comme pour une voiture) grâce à des prises d'avitaillement situées sur les ailes.

Il y a deux pompes électriques à deux vitesses dans chaque réservoir, qui sont commandées par un sélecteur rotatif au poste du mécanicien navigant. Ce sélecteur à quatre voies (4) peut prendre les positions suivantes :
  • OFF : la valve est fermée et les moteurs éteints
  • TANK TO ENGINE : le réservoir alimente son moteur et est isolé de la rampe générale
  • TANK TO MANIFOLD : le réservoir n'alimente pas son moteur mais est relié directement à la rampe générale.
  • TANK TO ENGINE TO MANIFOLD : le réservoir alimente à la fois son moteur et la rampe générale.
  • MANIFOLD TO ENGINE : le réservoir est isolé et le moteur n'est alimenté que par la rampe générale.
Panneau du mécanicien navigant - les commandes carburant

Il n'existe pas de système de gestion automatique du carburant. C'est le rôle du mécanicien navigant de gérer le carburant en jouant sur les valves et la vitesse des pompes (5) pour assurer l'alimentation et la bonne gestion du carburant.

A noter que le réservoir central ne peut pas être relié aux autres : il s'agit d'un réservoir ballast, le carburant qu'il embarque servant de lest pour régler le centre de gravité vertical de l'appareil. Il ne peut pas être consommé pendant le vol.

Le contrôle du plein peut être fait à partir du cockpit ou du boîtier d'avitaillement mobile (cas le plus courant). Le boîtier d'avitaillement mobile est une sorte de télécommande, permettant de contrôler les valves de carburant de manière déportée. Il se compose d'un boîtier (6) pouvant être branché sous l'aile gauche de l'appareil. Un cordon ombilical étant relié à une prise électrique, il permet d'activer et de manœuvrer les valves de carburant des différents réservoirs de carburant. Ce boîtier se range ensuite dans la soute inférieure arrière pendant le vol.

Le panneau d'avitaillement mobile

Un ensemble de  mesures, constitué de valves à flotteur, est situé dans chaque réservoir, et permet de donner le niveau de carburant de chaque réservoir. Ce niveau est affiché sur le panneau du mécanicien navigant. On trouve également un système de "vide-vite" permettant de vidanger le carburant en vol, à raison de 700 litres par minute.

Dans la soute principale, se trouve une jauge à main (7), qui permet d'aller vérifier manuellement le plein de chaque réservoir via les points de ravitaillement par gravité. Cette jauge est équipée d'un abaque (8) permettant de connaître pour chaque réservoir la quantité de carburant en fonction du niveau immergé.

Cloison avant de la soute principale avec la jauge à main.

jeudi 8 novembre 2012

Hydraulique

Le Super-Guppy présente la particularité de posséder non pas un, mais deux circuits hydrauliques : un circuit "avion" et un circuit "auxiliaire". Ces deux circuits sont indépendants et complémentaires.

Circuit Auxiliaire

Ce circuit est celui qui est utilisé au sol pour manœuvrer les vérins et les broches de verrouillage, lors des manœuvres d'ouverture et de fermeture.

Il se compose d'un réservoir (appelé "bâche") non pressurisé d'une capacité de 20 litres environ (2). Ses deux sources de pressurisation sont : un moteur électrique alimenté par l'alimentation électrique sol, ou une pompe à main (3), située immédiatement à droite de la porte d'entrée.

panneau de commande principal
Un ensemble de clapets anti-retour empêche toute pressurisation de la bâche (circulation du fluide hydraulique en sens unique) et des clapets de surpression sont prévus pour s'ouvrir automatiquement en cas de surpression de l'ensemble des tuyauteries. Ils s'ouvrent à 86 bars.

Le panneau de commande principal (1) est situé à côté de la pompe à main et regroupe les principales commandes permettant de pressuriser les différents sous-éléments du circuit (vérins, diabolo de manœuvre, broche de verrouillage du nez). Il possède un sélecteur principal à trois positions :
  • Off : aucun circuit n'est alimenté, le circuit est isolé (utilisé en vol ou lorsque l'avion est au repos)
  • Main : circuit de manœuvre du nez alimenté
  • Pallet : circuit de verrouillage des charges alimenté

Les différents robinets qui sont présents sur ce panneau sont des valves d'isolement de type pointeau. Elles permettent de n'alimenter qu'un seul vérin à la fois en isolant les autres (ce qui simplifie le circuit, et permet d'isoler rapidement toute fuite). Tous les vérins en sont équipés, sauf celui du diabolo de manœuvre.

On trouve sur ce panneau les commandes pour :
  • les  2  vérins  de  stabilisation  fuselage  avant
  • le  vérin  du diabolo de manœuvre
  • les  2  broches  automatiques  supérieures
  • les  2  broches  automatiques  centrales
  • les  2  broches  automatiques  inférieures
  • les  6  broches  manuelles
  • les  4  broches  d'alignement.

Schéma du circuit hydraulique auxiliaire du Super-Guppy
La disposition des commandes n'est pas faite au hasard, et correspond à l'ordre d'utilisation normale des commandes (de haut en bas et de gauche à droite pour l'ouverture, l'inverse pour la fermeture)

Un bouton "HYD PUMP" permet la mise en route du moteur hydraulique.

Il existe deux autres panneaux de commande. Le premier est situé à la porte arrière, et permet de manœuvrer  le vérin de stabilisation arrière uniquement. Il comporte un manomètre, un robinet d'isolement et la commande de mise en marche du moteur hydraulique.

Le dernier panneau (4) est situé dans la soute principale, et permet de manœuvrer les broches de verrouillage de chargement. Il est équipé d'un manomètre, d'un bouton de mise en marche du moteur "HYD PUMP" ainsi que d'un sélecteur à trois positions permettant de sortir, rentrer ou verrouiller les broches de verrouillage. Un panneau indicateur (5) situé juste au dessus indique la position de toutes les broches de manière lumineuse.
4 - robinet de manoeuvre du système de verrouillage des charges. 5 - panneau indicateur

Circuit avion

Le deuxième circuit hydraulique est le circuit "avion". Plus "classique", il assure les fonctions suivantes :
  • Direction de la roue avant (6)
  • Freinage (normal et secours) (7)
  • Essuie-glaces (8)
L'ensemble du circuit n'est pressurisé que pendant les phases de roulage, de décollage et d'atterrissage. Il est dépressurisé pendant le reste du vol.

Une bâche hydraulique (9) (réservoir) est située sur le côté droit du cockpit, avec une réserve de 31 litres de fluide hydraulique (aussi appelé "Skydrol"). Un ensemble de tuyauteries amène ensuite le liquide sous pression là où il est nécessaire.

Schéma de la bâche hydraulique située dans le cockpit

Il y a trois pompes qui peuvent alimenter le circuit : deux pompes électriques (10), alimentées chacune par un des turbopropulseurs intérieurs, et une pompe auxiliaire (11) située sous le cockpit. En complément, il y a également une pompe à main (12) actionnée par le copilote. Cette pompe est utilisée en dernier recours si les trois pompes sont hors service. Le circuit moteur est protégé par des robinets coupe-feu actionnés par les poignées d'arrêt d'urgence en cas d'incendie sur les moteurs.

Schéma du circuit hydraulique avion du Super-Guppy

Le circuit est commandé par un sélecteur situé sur la planche co-pilote (13), suivant 3 positions
  • "EMERGENCY BRAKE CHARGING" : dans cette position, les pompes alimentent un circuit de secours permettant de charger des accumulateurs (14). Une fois les accumulateurs chargés, le frein de secours est disponible
  • "NORMAL" : le circuit du frein de secours est isolé, et tous les autres circuits sont mis en pression. C'est la position pour le roulage, le décollage et l’atterrissage.
  • "DEPRESSURIZED" : les pompes sont reliées directement à la bâche de stockage, ce qui empêche d'accumuler de la pression dans le circuit, même si les pompes sont mises en fonctionnement. C'est la position standard pendant le vol.
Vue depuis le siège du copilote.

Des clapets de surpression sont prévus pour s'ouvrir à 125 bar pour éviter toute pression excessive dans le circuit.

A noter que des prises auto-obturatrices sont situées à la station 300, pour permettre le découplage des tuyauteries menant aux moteurs lors de l'ouverture du nez. Le fait qu'elles soient auto-obturatrices fait qu'il n'est pas nécessaire de vidanger le circuit pour ouvrir le nez.

Situé sous le plancher du cockpit, le logement des accumulateurs du système de freinage d'urgence.

Le circuit de freinage normal est commandé depuis le palonnier, en appuyant sur les pédales. Le circuit commande directement les tambours de frein des deux trains principaux. Le circuit de secours est commandé par deux leviers situés sur le plafond du cockpit (15), juste au dessus du commandant. Ils permettent la décharge des accumulateurs de freinage dans le circuit de freinage des trains principaux. A noter que les tuyauteries sont indépendantes, ce qui signifie que, même si une fuite est détectée sur le circuit de freinage, le système de secours est toujours opérant. Cette redondance permettait d'assurer le freinage de l'avion, et ce même en cas de panne.

jeudi 27 septembre 2012

Commandes de vol

Tout est "à l'ancienne" sur le Guppy, je pense que je l'ai suffisamment répété..et les commandes de vol n'échappent pas à la règle.
Comment contrôler un avion de la taille du Guppy ? Il faut des commandes de vol par câbles...et en fait c'est tout ! En effet, sur le Guppy on ne trouve ni pilote automatique, ni assistance mécanique ou hydraulique : tout se fait "aux muscles" ce qui en fait un avion fatigant à piloter. Ceci explique la taille très imposante du volant de commande des pilotes (plus de 80cm de large) ainsi que son grand débattement (les expressions manche contre soi ou manche au tableau prennent tout leur sens)

Les surfaces de contrôle de vol du Guppy n'ont rien de particulier. Deux ailerons sur les ailes, deux surfaces horizontales et une surface verticale au niveau de la dérive, permettant le contrôle sur les trois axes.

Les surfaces de vol du Super-Guppy

Chaque surface mobile est équipée d'un "tab". Le rôle de ce tab est de fournir l'équilibrage - ou trim - de l'appareil. L'équilibrage consiste à modifier la position des surfaces mobiles pour contrer la tendance à piquer ou à cabrer de l'avion en cas de centrage trop avant ou trop arrière. L'avion est équilibré lorsque, si le pilote lâche le manche, l'avion reste sur sa trajectoire de vol. Le réglage se fait par des volants de manœuvre dans le cockpit. A noter que de nos jours le trim a disparu sous cette forme, et est contrôlé informatiquement par les surfaces de vol.

Côté cockpit, on trouve deux volants de direction et deux jeux de palonniers pour les pilotes, ainsi que des volants de réglage du trim situés sur le piédestal entre les pilotes.

Un autre système permet le blocage des commandes de vol lorsque l'avion est au sol, ce qui empêche les gouvernes de bouger sous l'effet du vent. Ce système est commandé via une barre dans le cockpit, face à la console pilote.

Sous le plancher du cockpit, un ensemble de tringlerie et de poulie permet de contrôler des câbles en acier qui courent le long de l'appareil jusqu'aux surfaces de vol.

vue des poulies de renvoi des câbles de commande sous le cokpit
La liaison manche-ailerons (comme toutes les autres liaisons) est une commande directe par câble. Des systèmes de renvois soigneusement étudiés permettent de multiplier l'effort fourni par le pilote, mais le pilotage reste effectué "au muscle"

Pour vous donner une idée, en cas de décollage par fort vent, il était nécessaire que les deux pilotes contrôlent le manche pour tenir l'avion fermement.

Pour contrôler les ailerons, les câbles actionnés par le manche passent sous le plancher du cockpit, puis sous le plancher de la soute principale, en traversant les cadres de la station 300 où se situe le système de blocage et de déconnexion rapide. Il y a un total de quatre câbles, deux actionnés par le manche pilote et deux par le manche copilote. Les câbles courent ensuite toujours sous le plancher de la soute principale, dans un espace ménagé entre le réservoir de carburant central et le plancher.

Les câbles aboutissent enfin à la cloison arrière du réservoir de carburant où se trouve un tambour de renvoi sur lequel sont montés deux autres jeux de câbles, un pour chaque aile.

Vue de la cloison arrière du réservoir central. 1 : tambour de renvoi des ailerons 2 : tambour de renvoi du trim

Tambour de renvoi des câbles


Ces derniers câbles sont situés dans l'aile et aboutissent aux actionneurs des ailerons.

On notera que du manche jusqu'au tambour, tout est doublé, de telle sorte que la défaillance d'un câble ne remet pas en cause le contrôle des ailerons. En revanche, du tambour aux ailerons il n'y a plus de redondance, ce qui pose un risque. En réalité, si une défaillance se produit, l'avion reste contrôlable en jouant sur la puissance moteur et le trim (solution loin d'être idéale, mais courante à l'époque). De plus, des contrôles réguliers permettaient de s'assurer du bon état de l'ensemble du système avant les vols.

Synoptique de contrôle des ailerons

Autre point important : le réglage. Les câbles sont en acier, ils sont donc sensibles aux variations de température sur de longues distances. On arrive sur des longueurs de câble assez importantes, pouvant atteindre 35-40 mètres, donc la dilatation des câbles n'est pas négligeable.

Pour assurer un débattement complet des gouvernes, il faut que la tension des câbles soit ajustée correctement, or celui-ci va dépendre de la longueur du câble et donc de la température extérieure ! Comme on le voit ce système demande beaucoup de réglages et d'entretien, mais était courant jusqu'à l'apparition des commandes de vol numériques.

lundi 24 septembre 2012

Peintures de Guppy

Les Super-Guppy ont été peints de manières différentes au cours de leur histoire chez Airbus. Pour le scrap-book présentant les différentes variations, voir ici.

Le premier Super-Guppy fut peint aux couleurs d'Aerospacelines lors de sa fabrication et pour ses essais en vol. L'appareil n'était pas peint, mais polishé, avec un aspect argent très brillant. Deux grandes bandes rouges et jaunes couraient le long du fuselage, avec la zone autour des vitres du cockpit peinte en noir. La mention Aerospacelines inc était marquée au dessus des bandes du fuselage.

La livrée ASI qui sera applquée aux Super-Guppy 1 et 2


Une fois vendu à Airbus, il sera entièrement redécoré d'une nouvelle livrée crème et rouge. La fuselage comportait une grande bande rouge entourée de deux bandes couleur crème, avec les mentions "AIRBUS INDUSTRIE" et "AEROMARITIME" qui exploitaient l'avion. La dérive était peinte couleur crème, avec une grande bande rouge horizontale comportant le logo Airbus d'un côté et de l'aéromaritime de l'autre.

La livrée Airbus originale du F-BTGV

Le F-BPPA, Guppy n°2 aura un chemin un peu différent. Peint lui aussi dans la livrée d'Aerospacelines, il gardera cette livrée chez Airbus, avec juste quelques changements mineurs, les mentions ASI et Aerospacelines étant remplacés par Airbus et Aéromaritime.


Dans un souci d'homogénisation, le F-BTGV sera repeint avec les mêmes couleurs que le F-BPPA, retrouvant ainsi une partie de ses couleurs d'origine.

Les Super-Guppy n°3 et n°4 ont porté la livrée "arc en ciel" d'Airbus Skylink dès leur fabrication. Ce schéma de peinture a ensuite été appliqué aux deux premiers Guppy pour uniformiser la flotte.

La livrée "arc en ciel" Airbus-Skylink

Reprenant les couleurs Airbus de l'époque, ce schéma consistait principalement en quatre bandes de couleurs (de bas en haut : jaune orange rouge et bleu) courant le long du fuselage, surmontées de la mention "Airbus Skylink" en bleu sur les flancs. Le numéro de série de l'appareil était rappelé en chiffres géants sur le nez et la dérive de l'avion.

Ce fut la dernière variation de peinture portée par les appareils d'Airbus. Le N°3 n'a jamais porté d'autres motifs, et le numéro 4 portera ces couleurs jusqu'à son départ pour les Etats-Unis en 1997.

A noter que le F-BPPA aura également droit à une décoration spéciale pour les 25 ans de Tracor (et donc d'Aerospacelines) qu'il gardera quelques temps. La décoration finira par être effacée...en partie. La mention "Super-Guppy" en orange subsiste encore aujourd'hui !


Pour le F-GEAI, dans un premier temps, la NASA s'empressera d'effacer les mentions "4" et "Airbus Skylink", donnant un peu un aspect d'avion volé à l'appareil qui n'était pas du meilleur effet.

Puis la livrée "arc en ciel" d'Airbus Skylink fut rapidement remplacée par une nouvelle livrée plus chatoyante rappelant les couleurs de l'agence spatiale américaine et du premier Super-Guppy : une base de bleu ciel et de blanc, ainsi que le polish brillant qui fait du Guppy un miroir géant en plein ciel.

Dernier détail : les américains ne manquant pas d'humour, le "S" de Super-Guppy a été peint sur la face avant de la trappe de train de la roulette de nez.

Le "Super"-Guppy

samedi 22 septembre 2012

Guppy scrap-book

Pas beaucoup de texte dans cet article...juste quelques photos pour illustrer les différentes livrées portées par les Super-Guppy au fil des ans.

N-211AS - F-BTGV



livrée ASI  (1971)

livrée Airbus-Aéromaritime  (1971 - 1978)

livrée Aéromaritime  (1979 - 1982)

livrée Airbus-Skylink  (1982 - aujourd'hui)



N-212AS - F-BPPA


livrée ASI  (1972 - 1973)

livrée Aéromaritime  (1973 - 1982)

livrée Airbus-Skylink  (1982 - aujourd'hui)



F-GDSG


livrée Airbus-Skylink  (1982 - aujourd'hui)


F-GEAI - N941NA


livrée Airbus-Skylink  (1983 - 1997)

livrée NASA-Airbus  (1997 - 1998)

livrée NASA  (1998 - aujourd'hui)

lundi 17 septembre 2012

Un chalet original


Samedi 27 mai 1967 : Il est 16h40 lorsque le Mini Guppy se pose sur l'aéroport du Bourget, au nord de Paris.

Tout autour de l'aéroport, c'est l'effervescence : l'édition 1967 du salon du Bourget ouvre ses portes le lundi matin, et il reste encore de nombreux détails à régler. Pour vous resituer le contexte, à cette époque il fallait aller au salon en bus ou en taxi, le RER n'ayant pas encore été inventé, mais la course de taxi coûtait 18F...et la récente ouverture de l'autoroute A1 promettait de diminuer le temps de trajet. On parlait aussi de construire un troisième aéroport parisien au nord du Bourget qui s’appellerait Paris-Nord, mais on murmurait qu'il pourrait aussi s'appeler Roissy...Charles de Gaulle était président de la république, mais n'avait aucune intention de donner son nom à un aéroport...

Retour au sujet de l'article : le Mini-Guppy. L'arrivée de cet énorme appareil va surtout permettre à Sud-Aviation d'installer son chalet pour le salon !


En effet, face à la demande de Pierre Jorelle à ASI pour que le Mini-Guppy soit présent au salon du Bourget de 1967, alors même que l'avion n'existait que sur le papier, Jack Conroy avait répondu "nous y serons" ! Par la suite, Sud-Aviation avait eu l'idée, pour le moins originale, d'installer son "chalet" à l'intérieur de la soute du Mini-Guppy.

Le Mini-Guppy est certes plus petit que ses deux grands frères, le Pregnant Guppy et le Super-Guppy de la NASA, mais il était le plus gros avion commercial américain à cette date. Il ne vient pas qu'en figuration : il servira de chalet pour la société Sud-Aviation, après installation d'un module intérieur composé de vitrines et de salles de réunion.

Sa soute n'est pas vide : il apporte un prototype du "salon volant" fabriqué par Budd company (fabricant de voitures de chemins de fer à l'origine). L'idée du salon volant est la suivante (inutile de rigoler, c'était très sérieux à l'époque) : permettre aux passagers de s'installer dans une sorte de salle d'embarquement pour patienter, située en centre ville. Un hélicoptère lourd viendrait ensuite hélitreuiller ce "salon volant" pour l'emmener à l'aéroport.

La mise en service devait avoir lieu sur l'aéroport de Los Angeles en 1970. Intéressant sur le papier (le temps de transport du centre ville de LA à l'aéroport passant de 45 min à 8 min) le concept ne décollera jamais. Difficile pour des passagers, même pressés, de se faire balloter au bout d'une élingue d'hélicoptère...de plus le coût de l'heure de vol d'hélicoptère n'est pas du même ordre de grandeur que celle en train.

Pour en revenir au Mini-Guppy, sa présence au salon de 1967 est un véritable tour de force : en effet, l'appareil est un avion neuf, et quand je dis neuf, c'est neuf de chez neuf. Il a fait son premier vol le 24 mai 1967…c'est-à-dire moins de trois jours avant son arrivée à Paris, le tout après un marathon de 6 mois pour le construire. Les ouvriers d'ASI ont passé de longues journées pour s'assurer que l'appareil serait prêt à temps. Envoyer un prototype qui a à peine fait son premier vol directement de l'autre côté de l'Atlantique est un brin risqué pour ne pas dire plus.

Renommé "Spirit of Santa Barbara" pour l'occasion (clin d'œil au Spirit of Saint Louis de Lindbergh, qui avait franchi l'Atlantique juste 40 ans auparavant) le Guppy sera une des stars du salon...surtout pour les observateurs russes. En effet, les russes hier, comme les chinois aujourd'hui, ont cette manie d'envoyer des dizaines d'observateurs qui arpentent le salon en notant absolument tout ce qu'il est possible de noter...

Vu aérienne du salon de Bourget de 1967...aujourd'hui, ça fait toujours rêver.. (et pour info, le Concorde n'est qu'une maquette). Le mini-Guppy est sur la droite avec sa queue ouverte.


A l'issue du salon, le Guppy retournera à Santa-Barbara pour commencer son programme d'essais en vol...après un détour sur Toulouse, qui permettra à Jack Conroy de rencontrer les responsables de Sud-Aviation, et de présenter l'atout que le Guppy pouvait représenter pour le programme Concorde...

vendredi 14 septembre 2012

Guppy-actu : un grand déménagement

Un convoi plus qu'exceptionnel ! (source : Ailes Anciennes Toulouse)

Alors même que le Guppy de la NASA se posait à El Paso (vendredi dernier) le F-BPPA, Super-Guppy des Ailes Anciennes Toulouse déménageait après une longue période d'immobilité. La collection des Ailes Anciennes est en train de déménager vers un nouveau terrain de manière un peu précipitée suite aux impératifs d'Airbus. Situé en face de l'usine Jean-Luc Lagardère où sont assemblés les A380, ce site va devenir la nouvelle maison des Ailes Anciennes.

Un passage près du parking des Beluga permet de prendre une photo exceptionnelle ! (source : Ailes Anciennes Toulouse)


Vendredi après-midi, le Super-Guppy a commencé le long voyage vers l'usine Jean-Luc Lagardère, avec l'aide des équipes Airbus et sous la surveillance des membres des Ailes Anciennes qui s'occupent de l'avion. Mais, contrairement aux autres avions de la collection, le Guppy n'ira pas jusqu'au bout de ce dernier voyage: il restera sur le site Airbus jusqu'à ce que le musée Aeroscopia soit prêt à l’accueillir, d'ici l'année prochaine si le planning est respecté.

Le départ s'est fait du terrain de Saint-Martin. Le convoi a ensuite remonté le long de l'usine et de l'aéroport de Blagnac, passant devant le parking des Beluga, avant de faire un arrêt pour passer au hall des pesées. En effet, pour préparer son installation au musée, il était nécessaire de connaitre son poids. Résultat : un peu moins de 50 tonnes.

En attendant qu'il bénéficie d'un point d'ancrage adapté, il stationne sur le parking A380...de ce fait, il ne semble plus aussi grand qu'avant ! D'ici quelques semaines, une fois ses points d'ancrage terminés, il rejoindra son nouvel emplacement en attendant que le musée soit près à l’accueillir.


La réalisation de points d'ancrage adaptés est une nécessité. En effet, le Super-Guppy a beau peser 50 tonnes, il reste un avion, et donc sensible au vent. Pour preuve, cet été, il a "tenté se s'envoler"...étant bien attaché, c'est le plot de fixation au sol qui a failli céder. Fort de cette expérience, il a été plus facile de convaincre Airbus du bien fondé d'attacher solidement le F-BPPA au sol pour éviter tout incident !

La grande (tentative) d'évasion
Même si il ne volera plus jamais, le F-BPPA trouvera ainsi une nouvelle maison où il pourra être protégé et où de nombreux visiteurs pourront le découvrir. Il sera également le seul Guppy abrité dans un musée, ce qui permettra aux visiteurs de le voir avec le nez ouvert. Il pourra ainsi témoigner aux générations futures des débuts de l'aventure Airbus.

Vidéo montrant une partie du voyage du F-BPPA de Saint-Martin à Jean-Luc Lagardère

jeudi 13 septembre 2012

Guppy-actu : Le N941NA reste actif comme jamais

Le Super-Guppy de la NASA, immatriculé N941NA, a connu un été très occupé : pas moins de 4 voyages très médiatiques pour livrer des simulateurs de navettes à différents musées.

Le 30 juin, il livrait la première partie de la maquette de familiarisation du fuselage au "Museum of Flight" de Seattle. Très médiatisé, ce vol sera suivi de deux autres, les 26 juillet et 9 Août (voir plus de photos) pour livrer le reste du simulateur.


Détails sur la mission de Dayton

Le 22 Août, il apportait un simulateur de cockpit de navette, cette fois pour le musée de l'US Air Force à Dayton dans l'Ohio. La NASA ayant fait beaucoup de publicité, une foule nombreuse attendait l'étonnant avion de pied ferme.


Vidéo de l'arrivée du vol à Dayton le 22 Août dernier

La NASA continue ainsi de tourner la page de l'époque navette spatiale en donnant ses anciens simulateurs à différents musées américains. Une fois cette livraison effectuée, le Guppy retourna à Ellington Field à côté du centre spatial Johnston au Texas.

Après quelques semaines à Ellington, il lui fallait rentrer à El Paso, sous le climat sec du soleil Texan, qui lui a été recommandé par les ingénieurs de la NASA pour limiter la corrosion de sa cellule.

Il est arrivé à El Paso vendredi dernier, marquant la fin d'un été particulièrement riche en voyages !

dimanche 5 août 2012

On ne vole pas sur les fesses !


Lors de la certification d'un nouvel avion, les autorités de certification (la FAA aux Etats-Unis, et la DGAC en France) exigent de tester le décrochage de l'appareil. Les valeurs d'angles et de vitesses de décrochage sont cruciales pour déterminer l'enveloppe de vol de l'appareil. La FAA demanda donc de faire décrocher le Super-Guppy à différentes vitesses et inclinaison, et des vols d'essai eurent lieu dès fin Août 1970 (Le 1er Super-Guppy Turbine fit son premier vol le 24 Août 1970)


Dès les premiers vol, les résultats furent excellents en ce qui concernait la manœuvrabilité et la stabilité du Guppy, en revanche, le comportement de l'appareil en situation de décrochage était très inquiétant. A l'approche de la vitesse de décrochage, l'avion était sujet à un violent "pitch-up" vers le haut (l'avion se mettant "sur les fesses") rendant la reprise de contrôle très difficile, vu que la dérive arrière n'est plus dans le vent, même avec les moteurs à plein régime.

Lors d'un vol d'essai mémorable le 5 avril 1971, l'avion décrocha pour de bon en se cabrant violemment juste avant que l'aile gauche ne s’affaisse. Le Guppy venait de rentrer dans la pire des situations : un décrochage asymétrique. Il faudra toute la virtuosité de John Campbell pour éviter que le vol ne se termine en catastrophe.

Pour la certification du N211AS (futur Guppy n°1 F-BTGV), la FAA avait donc exigé que, si rien ne pouvait être fait pour améliorer l'aérodynamisme de l'avion à base vitesse, il fallait monter un système d'avertissement permettant aux pilotes de ne jamais atteindre cette fameuse vitesse critique.

Il fallut de nombreux mois et essais pour mettre au point un système fiable et redondant. La solution consistait à avertir le pilote lorsque le Super-Guppy atteignait une vitesse de décrochage "fictive" c'est à dire une vitesse légèrement supérieure à la vraie vitesse de décrochage, permettant aux pilotes de réagir avant de s'aventurer dans une zone dangereuse.

Au final, deux systèmes identiques mais totalement indépendants furent montés sur chaque appareil. De cette manière, même si l'un des avertisseur tombait en panne, le second restait disponible pour avertir les pilotes. de l'imminence d'un décrochage. Appelé SPS pour Stall Prevention System (Système de prévention du décrochage) il s'agissait d'un élément essentiel de la sécurité de l'avion.

Côté avion, le système comprenait
  • une girouette donnant l'angle d'attaque de l'avion
  • un détecteur de position des volets hypersustentateurs
  • un calculateur situé dans le rack radio constitué d'un transformateur et d'un circuit électronique calculant la marge par rapport à la vitesse de décrochage. C'est lui qui active les indicateurs du cockpit (voir illustration ci-dessous).
  • un indicateur vol/sol, constitué de relais placés sur le train atterrissage indiquant si l'avion est au sol ou non, qui empêche l'alarme de se déclencher inutilement au sol
Rack radio - détails des deux calculateurs SPS

Côté cockpit, on trouve
  • un indicateur de marge de décrochage, gradué de 1 à 1,6, qui correspond au rapport vitesse sur vitesse de décrochage (réelle) soit V/Vs (1)
  • un "stick shaker" (pour ceux qui ne connaissent pas : c'est comme un vibreur de téléphone portable, sauf que ça fait vibrer le manche du pilote) qui se déclenche à 110% V/Vs (10% de vitesse au dessus de la vitesse de décrochage)
  • un voyant lumineux marqué "STALL" bien en évidence devant les yeux du pilote, qui se déclenche entre 100% et 110% de V/Vs (2)
  • et enfin un klaxon, très désagréable (et c'est fait exprès !) qui se déclenche en même temps que le voyant lumineux.
Planche de bord commandant - détails

Le système devait être vérifié périodiquement. Tous les ans, il fallait faire un vol d'essai pour vérifier le bon réglage de l'ensemble. Le Guppy décollait avec la soute vide, mais avec un contrepoids de près de 2,5 tonnes à l'avant. Le but du vol n'était pas de décrocher...les risques de perte de contrôle et de crash étant trop élevés. Le contrepoids à l'avant devait permettre de limiter le "pitch-up" du nez en cas de début de décrochage.

Le Guppy montait à 15000 pieds, et le pilote réduisait progressivement la vitesse, tout en surveillant les indicateurs de marge de décrochage. Le mécanicien navigant devait noter les vitesses de déclenchement du stick shaker et du voyant lumineux ainsi que le klaxon associé. Lorsque le klaxon se déclenchait, le pilote mettait brusquement le manche "au tableau" (ordre à piquer) pour éviter de décrocher pour de bon.

Si le réglage n'était pas bon, il fallait retourner se poser, recalibrer les calculateurs, et repartir jusqu'à ce que le réglage soit conforme aux spécifications du manuel de vol !

A noter que les pilotes et mécaniciens qui participaient à ces vols d'essai recevaient une prime de risque pour chaque vol d'essai du système de décrochage, c'est dire la confiance qu'avait Airbus dans la capacité de l'avion à survivre à un décrochage !

lundi 16 juillet 2012

Ouverture et chargement (2)

Une fois la soute du Super-Guppy ouverte, les opérations de chargement ou de déchargement pouvaient commencer.

La raison d'être du Super-guppy était le transport des éléments des Airbus. En effet, la production industrielle d'Airbus prévoyait que les sous-ensembles des avions soient fabriqués dans les pays partenaires, avant de converger vers la FAL (Final Assembly Line ou ligne d'assemblage final) pour assembler l'avion.

Pour l'A300 et l'A310, il y avait une unique FAL, située à Toulouse. Il fallait donc acheminer les ailes, les dérives, les moteurs et les sections du corps de l'appareil (on parle de tronçons de fuselage, ça fait plus pro) jusqu'à Toulouse. Les Guppies avaient donc la lourde charge d'aller chercher les bouts d'Airbus à travers l'Europe entière.

Avec le temps, ce "puzzle" industriel s'est encore élargi, comme en témoigne le découpage industriel pour la production de l'Airbus A330 dans les années 90.

Pour les "gros" éléments de structure :
  • Aerospatiale représente la partie française (caisson central et pointe avant)
  • Daimler Benz Aerospace (ou DASA) la partie allemande (tronçon avant et arrière)
  • BAE la partie britannique (ailes)
  • CASA la partie espagnole (plan fixe horizontal)

Répartition de la production industrielle - Airbus A330
Le découpage est sensiblement le même pour les courts et moyens courriers de la famille A320 :
Les éléments à transporter pour l'assemblage d'un Airbus A320
On constate que ces chargements volumineux ont un poids réduit (8,6 tonnes pour la grande partie du fuselage). Il faut en effet garder à l'esprit que ces tronçons sont totalement vides, il n'y a aucun équipement autre que la structure pour le transport par Guppy. N'oublions pas que le Guppy est un avion qui a été pensé pour transporter du volume, pas de la masse : la charge utile maximale était de 25 tonnes (plutôt 23 dans les années 90...comme l'Homme, un avion voit ses capacités se réduire en vieillissant...).

Les chargements du Guppy sont arrimés sur des palettes spécialement adaptées aux rails de chargement. Afin de faciliter les opérations de chargement, Airbus possédait sur chaque site de production des remorques élévatrices équipées de rails identiques à ceux du Guppy. Le bâti et le chargement étaient arrimés sur la remorque, qui venait ensuite se placer en face de l'avion. Il suffisait ensuite de monter le tout à la même hauteur que les rails de la soute du Guppy pour pouvoir faire coulisser l'ensemble du chargement dans la soute.

Le succès de l'opération dépendait de l'alignement entre le plancher de la soute cargo et la remorque. Si l'un des deux était mal aligné, le chargement risquait de se retrouver bloqué sur les rails, incident nécessitant de reprendre la procédure depuis le début.

Le transbordement était facilité par la présence d'un treuil dans la soute du Guppy. Ce treuil est constitué d'un câble en acier situé le long du plancher de l'avion. Un système de poulies relie ce câble à un moteur électrique situé dans la soute inférieure avant, permettant ainsi de manœuvrer les palettes dans l'avion.

Les palettes doivent être arrimées solidement aux rails afin d'empêcher tout mouvement pouvant déstabiliser l'appareil pendant le vol, pour ce faire, les rails du Guppy sont équipés de 44 broches de verrouillage, manœuvrées hydrauliquement. (explications en vidéo)

Vue des broches de verrouillage. La broche (5) vient immobiliser le bâti (6) qui repose sur le rail (2) et l'empêche ainsi de glisser sur les roulements (4). 

Vue de la soute du Super-Guppy, montrant les rails et les broches de verrouillage (boitiers jaunes)

Une fois le chargement en place, la porte pouvait être refermée...il fallait alors reprendre toutes les étapes d'ouverture dans le sens inverse !


On glisse le chargement dans la soute !


Ce n'est qu'une fois le verrouillage effectué et après avoir vérifié le bon fonctionnement des circuits hydrauliques et des commandes de vol que l'appareil était déclaré apte au vol, et pouvait repartir vers sa destination suivante...où le cycle recommençait encore une fois !