lundi 16 juillet 2012

Ouverture et chargement (2)

Une fois la soute du Super-Guppy ouverte, les opérations de chargement ou de déchargement pouvaient commencer.

La raison d'être du Super-guppy était le transport des éléments des Airbus. En effet, la production industrielle d'Airbus prévoyait que les sous-ensembles des avions soient fabriqués dans les pays partenaires, avant de converger vers la FAL (Final Assembly Line ou ligne d'assemblage final) pour assembler l'avion.

Pour l'A300 et l'A310, il y avait une unique FAL, située à Toulouse. Il fallait donc acheminer les ailes, les dérives, les moteurs et les sections du corps de l'appareil (on parle de tronçons de fuselage, ça fait plus pro) jusqu'à Toulouse. Les Guppies avaient donc la lourde charge d'aller chercher les bouts d'Airbus à travers l'Europe entière.

Avec le temps, ce "puzzle" industriel s'est encore élargi, comme en témoigne le découpage industriel pour la production de l'Airbus A330 dans les années 90.

Pour les "gros" éléments de structure :
  • Aerospatiale représente la partie française (caisson central et pointe avant)
  • Daimler Benz Aerospace (ou DASA) la partie allemande (tronçon avant et arrière)
  • BAE la partie britannique (ailes)
  • CASA la partie espagnole (plan fixe horizontal)

Répartition de la production industrielle - Airbus A330
Le découpage est sensiblement le même pour les courts et moyens courriers de la famille A320 :
Les éléments à transporter pour l'assemblage d'un Airbus A320
On constate que ces chargements volumineux ont un poids réduit (8,6 tonnes pour la grande partie du fuselage). Il faut en effet garder à l'esprit que ces tronçons sont totalement vides, il n'y a aucun équipement autre que la structure pour le transport par Guppy. N'oublions pas que le Guppy est un avion qui a été pensé pour transporter du volume, pas de la masse : la charge utile maximale était de 25 tonnes (plutôt 23 dans les années 90...comme l'Homme, un avion voit ses capacités se réduire en vieillissant...).

Les chargements du Guppy sont arrimés sur des palettes spécialement adaptées aux rails de chargement. Afin de faciliter les opérations de chargement, Airbus possédait sur chaque site de production des remorques élévatrices équipées de rails identiques à ceux du Guppy. Le bâti et le chargement étaient arrimés sur la remorque, qui venait ensuite se placer en face de l'avion. Il suffisait ensuite de monter le tout à la même hauteur que les rails de la soute du Guppy pour pouvoir faire coulisser l'ensemble du chargement dans la soute.

Le succès de l'opération dépendait de l'alignement entre le plancher de la soute cargo et la remorque. Si l'un des deux était mal aligné, le chargement risquait de se retrouver bloqué sur les rails, incident nécessitant de reprendre la procédure depuis le début.

Le transbordement était facilité par la présence d'un treuil dans la soute du Guppy. Ce treuil est constitué d'un câble en acier situé le long du plancher de l'avion. Un système de poulies relie ce câble à un moteur électrique situé dans la soute inférieure avant, permettant ainsi de manœuvrer les palettes dans l'avion.

Les palettes doivent être arrimées solidement aux rails afin d'empêcher tout mouvement pouvant déstabiliser l'appareil pendant le vol, pour ce faire, les rails du Guppy sont équipés de 44 broches de verrouillage, manœuvrées hydrauliquement. (explications en vidéo)

Vue des broches de verrouillage. La broche (5) vient immobiliser le bâti (6) qui repose sur le rail (2) et l'empêche ainsi de glisser sur les roulements (4). 

Vue de la soute du Super-Guppy, montrant les rails et les broches de verrouillage (boitiers jaunes)

Une fois le chargement en place, la porte pouvait être refermée...il fallait alors reprendre toutes les étapes d'ouverture dans le sens inverse !


On glisse le chargement dans la soute !


Ce n'est qu'une fois le verrouillage effectué et après avoir vérifié le bon fonctionnement des circuits hydrauliques et des commandes de vol que l'appareil était déclaré apte au vol, et pouvait repartir vers sa destination suivante...où le cycle recommençait encore une fois !

lundi 9 juillet 2012

F-BPPA : Un Guppy branché !


Ce Week-end, grosse activité sur le Super-Guppy F-BPPA des Ailes Anciennes Toulouse : au programme mise sous tension et test du système hydraulique secondaire pour tester son bon fonctionnement en vue de la mise en place de l'appareil au sein du musée Aeroscopia

Le PPDM (Panneau Principal Disjoncteur Mécanicien Navigant)..le "tableau électrique du Guppy"


La mise sous tension consiste à brancher l'appareil sur un groupe de parc. L'alimentation se fait en 28V DC (courant continu) ce qui permet d'alimenter l'éclairage, la radio et les pompes des circuits hydrauliques principaux et secondaires. Le Guppy présente en effet la particularité d'avoir deux circuits hydrauliques totalement indépendants :
  • Le premier (circuit principal avion) permet d'actionner le circuit de freinage, la direction de la roue avant et les essuies-glace. Utilisé uniquement au décollage et à l'atterrissage, il était dépressurisé en vol
  • Le deuxième (circuit secondaire) permet de gérer les systèmes d'ouverture/fermeture du nez, ainsi que le système de verrouillage des charges. Il était pressurisé uniquement au sol, l'avion étant immobilisé. C'est ce dernier système qui a été en partie testé.
La mise sous tension a également permis de tester l'éclairage intérieur et extérieur, ainsi que le fonctionnement des équipements radio et de l'interphone, sans oublier le klaxon !


Quelques extraits vidéos

Quelques explications : (les chiffres entre parenthèses indiquent le temps sur la vidéo)

  • Le feu rotatif de signalisation sous le fuselage s'est rallumé pour la première fois depuis bien longtemps (0:05)
  • l'hydraulique fonctionne, comme l'atteste la sortie/remontée  du diabolo de manœuvre (0:24)
  • Le système de verrouillage de chargement (1:16): Il s'agit des 44 broches hydrauliques de verrouillage sur le plancher de la soute : 
    • Au début, tous les indicateurs sont verts : les broches sont sorties et verrouillées; le chargement, si il y en avait un, serait immobilisé
    • Sélecteur hydraulique positionné sur "RET" (retract) (1:46) pour autoriser le retrait des broches
    • Appui sur "Hyd pump on" pour démarrer le moteur du circuit hydraulique (1:48) Les broches rentrent les unes après les autres. Une broche en mouvement est symbolisée par une lampe rouge. La broche est rétractée lorsque les voyants verts et rouges correspondants sont éteints.
    • Puis sélecteur hydraulique sur "EXT" (extend) pour ressortir les broches (2:06)

Il reste encore pas mal de chose à tester pour s'assurer que le Guppy pourra être ouvert le moment venu, mais en attendant, un grand bravo à l'équipe des Ailes Anciennes Toulouse !

lundi 2 juillet 2012

Les aventures du cousin d'Amérique

Le Super-Guppy était à la une des journaux ce weekend. Non, il n'est rien arrivé au F-BPPA...C'est le cousin d’Amérique, F-GEAI qui était à l'honneur, ou plutôt le N941NA, puisqu'il a changé de nom depuis son expatriation aux Etats-Unis en 1997.

Il existe un Super-Guppy qui vole toujours....le F-GEAI, ex N°4(Crédit : NASA)

"Echangé" à la NASA contre des heures de vols sur la navette spatiale, le Super-Guppy n°4 a donc perdu sa livrée "arc-en-ciel" d'Airbus Skylink pour une nouvelle livrée étincelante bleue, blanche et aluminium. Il a effectué de nombreuses missions pour acheminer des tronçons de la station spatiale internationale ainsi que des fuselages d'avions pour le compte de l'US Air Force (il peut emporter deux chasseurs T-38 d'un seul coup, sans aucun démontage). Il a subi quelques améliorations subtiles : un GPS et un radar météo modernisés entre autres. La soute a été "mise à nu" avec l'enlèvement de la protection anti-feu qui était obligatoire chez Airbus.

Livraison de T-38 par pack de 2 ! (crédit : US Air Force)

Et ce weekend, le Super-Guppy était à l'honneur à Seattle, où il venait livrer le cockpit de la maquette d'entraînement de la navette spatiale. En effet, suite à la mise à la retraite de la navette spatiale, la NASA est en train de donner tous les éléments et simulateurs à différents musées. Dans ce cadre, le Museum of Flight de Seattle s'est vu attribué le FFT ou Full Fuselage Trainer, qui est une maquette de l'ensemble de la navette spatiale, hormis les ailes. Ce simulateur a été utilisé par tous les astronautes de la NASA ayant volé sur la navette, pour se familiariser avec l'agencement et l'emplacement des différents systèmes de la navette spatiale. Comme il était impossible de le démonter pour le transporter par la route, il a été décidé de faire appel au Super-guppy pour transporter les tronçons principaux. Pas moins de trois vols seront nécessaires pour acheminer l'ensemble du simulateur à Seattle.

N'ayant jamais quitté le hangar de Houston au centre d'entrainement des astronautes, le cockpit du simulateur est parti le 28 juin depuis Ellington Field (Houston) pour un périple de trois jours qui l'amènera tour à tour à Davis-Mountain Air Force Base, puis March AFB et Travis AFB (à côté de San Francisco) et enfin Seattle samedi midi.

Samedi matin, une foule nombreuse attendait impatiemment l'arrivée du Super-Guppy amenant la première section du simulateur. Après un passage à basse altitude au dessus de Seattle, Le Super-Guppy s'est posé sur la piste des usines Boeing, avant d'être remorqué pour être déchargé. Il est ensuite resté sur place le reste du weekend, avant de repartir lundi matin. Plusieurs milliers de personnes ont ainsi eu l'occasion de s'approcher du Guppy, qui n'avait pas reçu pareille publicité depuis des années !

Quelques liens :

Récit d'un vol sur le Guppy

La journée en images

Quelques vidéos

Vue du départ d'Ellington field (avec une visite à bord à la fin !)

Quelques vues à Seattle

L'arrivée à Seattle