jeudi 16 octobre 2014

L'ouverture du F-BPPA

L'ouverture du Guppy est toujours une opération délicate, et ce même si c'est dans un hangar fermé : la charnière est l'une des parties les plus fragiles de cet appareil comme les accidents d'arrachage de portes sont là pour nous le rappeler.

Depuis l'entrée du Guppy au sein du musée Aéroscopia, les Ailes Anciennes se préparaient à ouvrir le Guppy, ce qui sera sa posture finale au musée : dans la position de chargement, ce qui permettra d'installer une plateforme à bord et de transformer la "cathédrale" du Guppy en salle de cinéma…

Le Guppy est ouvert !


L'idée est belle sur le papier, mais comme toujours, on ne peut pas la réaliser aussi simplement que cela : le Guppy n'a pas été conçu pour rester ouvert de manière prolongée, et aucune ouverture complète de la porte n'a été réalisée depuis son retrait du service en 1996, il fallait donc à la fois vérifier que le F-BPPA était encore en état d'être ouvert, et prévoir de quoi le soutenir une fois ouvert pour limiter les efforts sur la charnière et empêcher tout basculement une fois dans le musée, ce qui serait "ballot" pour ne pas dire plus !

Un trou dans le plancher...


L'équipe du Guppy a commencé à répéter les manœuvres d'ouverture il y a déjà bien longtemps, en 2012 : mise sous tension, test du circuit hydraulique des papattes de stabilisation etc…il a fallut fabriquer une nouvelle barre de manœuvre et la rallonge électrique, qui permet l'alimentation des pompes lorsque le nez est ouvert, en s'aidant des plans et avec quelques conseils de l'équipe du Guppy de la NASA, faire fabriquer les corsets de trains pour immobiliser le train avant et éviter tout accident etc…

Les câbles de commandes sont débranchés...


Le 6 septembre dernier, nous étions à pied d'œuvre pour ouvrir l'appareil, bénéficiant en plus de la présence de Régis, un ancien du Guppy pour nous aider pour la partie "pratique", de la mise en pression des papattes et autres et nous aider à savoir ce qui était normal de ce qui ne l'était pas…

Guppy sous tension !


Tout s'est bien passé, nous suivions la checklist point par point, sans aucun soucis, hormis le grincage occasionnel des parties de l'appareil qui n'avait plus été sollicitées depuis 1996 ! J'avais par moment l'impression que le Guppy criait son désespoir tel un animal mortellement blessé…Nous arrivions sur la dernière partie de la checklist : la rétractation des dernières "pin" d'alignement…lorsque soudain, quelque chose à cassé sur le train avant, et le fluide hydraulique s'est mis à fuir de partout…le nez commençait à s'affaisser ! En catastrophe nous avons du le refermer…par chance, les broches étaient encore à moitié engagées, et nous avons du resserrer les écrous manuels à la force des bras pour "recoller" l'avant et l'arrière. L'ajout d'une chandelle sous le nez permettant ainsi de soulager la pression sur le train avant.

Le jeu trop important en haut nous a obligé à refermer le Guppy en urgence...


Passé ces émotions, nous avons pu réfléchir calmement à la suite des évènements : vu que l'hydraulique était cuite au niveau de la roue avant, il nous fallait un corset solide pour maintenir le train avant à la bonne hauteur, le corset qui nous avait été fabriqué par une autre société ne faisant pas l'affaire…heureusement les Ailes Anciennes Toulouse possèdent une équipe compétente en bricolage ingénieux et solide : ils ont passé deux journées complètes à usiner, avec parfois les moyens du bord, un nouveau corset qui durera sans doute plus longtemps que le train d'atterrissage autour !

Mise en place des cales de trains principaux...plutôt malfoutus...


Une fois ce nouveau corset prêt, nous pouvions retenter l'ouverture : l'acte 2 sera le bon, et la date retenue sera le mardi 14 octobre. Cette fois nous avions deux anciens du Guppy : Régis et Daniel, Daniel étant celui qui a écrit le (seul) livre sur les Guppy et également celui qui était mécanicien navigant lors du dernier vol du F-BPPA en 1996 ! Bref, nous étions bien entourés, et rien ne pouvait échouer ! Du moins j'espérais que ce vieux tas de ferraille que j'affectionne tant n'allait pas nous claquer entre les doigts !

Paré à la manœuvre !


Les opérations ont débutées vers 17h, histoire de mettre toutes les sécurités de trains en place et vérifier que tout était solidement fixé. Pour cela il fallait regonfler les amortisseurs pour poser les sécurités avant de les dégonfler pour mettre les corsets en place. Problème inattendu, une fois gonflé, nous avons coincé un des amortisseurs : impossible de le dégonfler ! Heureusement ce n'est pas dramatique : grâce aux vérins de stabilisation le Guppy ne bougera pas, même si le train principal se dégonfle. Le nouveau corset made in AATLSE a été installé sur le train avant sans encombre, et la solidité de sa construction est bien apparente !

Mise en place du corset made in AATLSE

Une fois tout cela mis en place, il a fallut reprendre l'équilibrage de l'appareil : revérifier la hauteur et la pression sur les trois papattes; il faut en effet que l'appareil soit droit pour pouvoir l'ouvrir, le problème étant que dès que l'on modifie un réglage, il influe sur tous les autres. Pour ces opérations, nous n'avons même pas utilisé la pompe électrique, mais uniquement la pompe à main pour mieux "sentir" les clapets de surpression.

Je vous montre la "vraie" taille du Guppy...

Nous avons ensuite pu déboulonner les broches à serrage manuel en ne laissant que celle du bas en position, avant d'effectuer un ultime réglage des papattes. C'est là que les choses ont commencées à se corser : mis sous tension, un câble de maintien en acier, qui permet de relever les stabilisateurs, à lâché sans aucun avertissement, heureusement sans blesser personne, et peu de temps après, du fluide hydraulique à commencer à couler abondamment du haut d'un des deux vérins avant : il fallait faire vite : une fois la réserve hydraulique de ce circuit épuisée, il deviendrait impossible de le manœuvrer.

Le nez arrive dans sa position finale


Nous avons donc tous agi rapidement pour mettre les vérins dans leurs positions définitives, avec un dernier coup de pression sur le vérin arrière pour lever légèrement l'arrière de l'appareil, et nous étions presque prêt à ouvrir. Il ne restait qu'à dévisser la dernière broche inférieure et rentrer les broches manuelles, et vérifier que l'outrigger, le moteur permettant l'ouverture du nez, était bien sorti.

Vue sur la charnière ouverte

Et vue de l'intérieur : les câbles et tuyauteries qui passent au niveau de la zone de la charnière...


Arrivé à ce stade, les parties avant et arrière de l'appareil ne sont plus reliées que par la charnière, il ne reste qu'à ouvrir. C'est Daniel, ancien mécano nav qu'est revenu l'honneur de la manœuvre : la nouvelle barre de commande fonctionnait à merveille, et l'ouverture à proprement parlé n'a duré qu'une trentaine de seconde tout au plus. Le nez à été ouvert à environ 100° d'ouverture, sa position définitive, avant de l'immobiliser et de caler la roue avant.


On peut voir jusqu'au fond de la soute !

Mission accomplie : nous avons pu enfin admirer la soute du Guppy ouverte, un spectacle assez impressionnant pour ceux qui ne l'avait encore jamais vu comme moi, ou alors très émouvant pour ceux dont c'était le métier il y a 20 ans ! On se rend vraiment compte de l'immensité de la soute, et de sa profondeur ! L'occasion de prendre de nombreuses photos de détails et sous toutes les coutures ! Il fallait ensuite tout fermer et nettoyer un peu : nous avions répandu de l'hydraulique un peu partout sur le sol là où la roue avant était passée…

Vue sur la soute ouverte, avec la trace de la roue avant au sol...
Je suis remonté une dernière fois dans le cockpit, histoire de dire au revoir : une fois définitivement installé, toute la pointe avant sera condamnée, il fallait donc que j'en profite. J'en ai profité pour fermer hublots et portes histoires de ne pas trop laisser la poussière des travaux s'infiltrer à bord !

Le nez est ouvert !
Une fois que cela était terminé, il fallait sortir et refermer le Guppy, qui est un pas plus loin sur sa préservation au sein d'un grand musée. Il ne reste plus qu'à aménager l'intérieur, toute un challenge au vu du nombre d'interlocuteurs qu'il faut mettre d'accord,, et surtout ceux avec qui il faut se battre pour leur faire comprendre que non, on ne peut pas percer un avion comme on veut : encore tout un programme en perspective !

jeudi 10 juillet 2014

Visite du Super-Guppy de Pima

Lors de ma visite au Pima Air and Space Museum, j'ai eu l'occasion de croiser un Super-Guppy, le N940NS. Cet appareil est particulier : il s'agit du tout premier Super-Guppy construit. D'un point de vue chronologique, c'est le deuxième appareil de la famille à avoir été construit, juste après le Pregnant-Guppy.
Visite au N940NS à Pima

Sa genèse remonte donc à 1963, lorsqu'il est devenu évident que le Pregnant Guppy ne pourrait pas transporter les tronçons de fusées de la Saturn V : il fallait un appareil plus grand, capable de transporter des charges plus lourdes : Jack Conroy va donc repartir du Stratocruiser, et créer un nouvel appareil, reprenant le principe du Pregnant Guppy pour donner naissance au "Very Pregnant Guppy", plus communément appelé "Super-Guppy". Premier point : il est très différent des Super-Guppy d'Airbus : le numéro 1 de Bruntingthorpe, où le numéro 2 de Toulouse et le numéro 4 de la NASA sont tous des Super-Guppy Turbine…alors que celui-ci est un Super-Guppy tout court…nous verrons un peu plus loin les différences entre les deux modèles.

Un héritage du Stratocruiser, du YC-97J et d'Aero Spacelines tout à la fois...

Aero Spacelines avait besoin d'un appareil plus puissant que le Stratocruiser pour pouvoir transporter les nouveaux tronçons de fusées. Conroy sait que Boeing à produit pour l'USAF deux YC-97J, une version remotorisée avec des turbopropulseurs du C-97, lui-même version militaire du Stratocruiser ! Conroy sait qu'il pourrait gagner un temps précieux si il pouvait cannibaliser un de ces appareils ! Il va donc faire pression sur l'USAF qui va finir par céder et lui donner un des deux appareils...ainsi qu'un lot de 32 turbines..

Les turbines T-34 et les hélices Curtiss sont uniques au Super-Guppy NASA
Cependant, pour des raisons de certifications auprès de la FAA, il faut que le nouvel appareil vienne d'un appareil civil et déjà immatriculé aux Etats-Unis : qu'à cela ne tienne : ASI va donc découper un Stratocruiser civil, le N1038V, et l'YC-97J pour assembler le tout et donner naissance au premier "Super-Guppy" immatriculé N1038V !

Le point fort de l'appareil est ses imposantes turbines T-34. Le problème est qu'elles sont un modèle expérimentale…et il n'y en a pas des quantités faramineuses (32 en tout) ! La chasse au pièces de moteurs sera un souci constant tout au long de l'histoire de cet appareil !

Vue de l'arrière de l'appareil

L'appareil fait son premier vol en 1965, et manquera de s'écraser lors de son dernier vol d'essai…mais heureusement il survivra ! Mis en ligne pour la NASA, il va faire des millions de miles pour le compte de l'agence américaine, transportant tronçons de fusées et équipements divers et variés.

Les 2 charnières du système d'ouverture

En 1979, ASI, devenu TRACOR entre temps est obligé de se reconvertir, et va devoir vendre ce Super-Guppy. La NASA en ayant encore besoin va l'acheter pour son compte, l'appareil changeant d'immatriculation pour devenir le N940NS. L'agence spatiale va l'utiliser jusqu'à ce qu'il n'y ait plus que quatre moteurs de disponibles ! Passé ce jour, il faudra bien le mettre à la retraite !

La dérive est typique de tous les Super-Guppy

Ce jour est finalement arrivé au début des années 80, et la NASA va le convoyer jusqu'au Boneyard de Tucson. Il sera ensuite prêté au Pima Air and Space Museum où il se trouve toujours aujourd'hui, là où j'ai pu le voir !

Vue de l'avant de l'appareil


Quelles sont donc les différences entre ce "Super-Guppy" et le "Super-Guppy Turbine" ? De loin, on dirait qu'il s'agit du même appareil, mais de près, les différences deviennent flagrantes !

N940NS vs N941NA ou Super-Guppy contre Super-Guppy Turbine
La forme du fuselage tout d'abord : le SG (Super-Guppy) possède encore le fuselage inférieure du Stratocruiser, à savoir le lobe inférieur du fuselage d'origine, alors que le SGT (Super-Guppy Turbine) possède une partie inférieure également modifiée, non plus en arc de cercle, mais en "V", ce qui permet de d'élargir la section de l'avion au niveau du plancher, permettant ainsi de charger du cargo plus voulumineux sans avoir besoin de le surélever.

On note la forme de la partie basse du fuselage entre SG à gauche et SGT à droite
Les moteurs ensuite : le SG possède des turbines T34 alors que le SGT possède des turbines Allisson 501-D22C, dérivées du T56, qui sont moins puissantes, mais plus répandues : ASI avait acheté un lot de 32 moteurs T-34 en même temps que le YC-97J qui allait donner naissance au SG…et la NASA à été obligée de mettre l'appareil à la retraite le jour où le dernier moteur de rechange à rendu l'âme…alors que les turbines Allisson sont très répandues, utilisées entre autre sur le E-2 "Hawkeye" ou C-2 "Greyhound", ce qui fait qu'Airbus pouvait commander des pièces détachées pour ses moteurs sans trop de problèmes. De la même manière, le SG possède des hélices tripales Curtiss alors que le SGT possède des hélices quadripales Hamilton.

Les hélices tripales sont caractéristiques du SG

Autre différence : l'emplanture des ailes : le SG possède la même section centrale que le KC-97, et ses ailes ont du être allongées pour empêcher les hélices de venir frapper contre le fuselage, alors que le SGT possède une section centrale qui avait été entièrement fabriquée par ASI, qui incorporait une extension d'ailes, permettant de garder des ailes de KC-97 éloignant suffisamment les hélices du fuselage. Le train avant est également différent : le SG possède un train d'origine de C-97, alors que le SGT possède un train avant de Boeing 707 avec le fût monté à l'envers.

Le train avant du SG : héritage du C-97


Au niveau du système de fermeture : le SG possède deux charnières sur le côté, permettant au nez de pivoter. Ces charnières dépassent beaucoup du fuselage et présentent l'inconvénient qu'il faut impérativement ouvrir l'appareil à plat…alors que le SGT possède une unique charnière montée sur une rotule sphérique, ce qui donne une légère tolérance sur un sol irrégulier, ou permet à l'avion de bouger légèrement lors des opérations de chargement/déchargement sans imposer trop de tension sur les charnières, partie critique sur le SG.

Avec deux charnières sur le SG ou une seule sur le SGT

Voilà pour les principales différences. On citera aussi la présence d'une porte cargo à l'arrière droit de l'appareil, héritage du Stratocruiser, qui ne sera pas reconduit sur le SGT. Il existe également d'autres différences à l'intérieur…mais n'ayant pas pu pénétrer à l'intérieur du SG, je n'ai pas encore tout découvert, il faudra que je revienne !

Le SG possède une porte cargo héritée du Stratocruiser que ne possède pas le SGT

lundi 19 mai 2014

Des photos inédites de l'accident de Finkenwerder

L'accident le plus grave qu'ait connu le Super-Guppy F-BPPA a eu lieu le 5 novembre 1982 à Finkenwerder (Hambourg). Peu avant 11 heures du matin, alors que l'équipage à fini le chargement et s'apprête à fermer la porte, le vent s'engouffre dans le nez et l'ouvre

Pour en savoir plus sur cet accident, voir ici.

Ayant eu la chance de rencontrer d'anciens navigants, un ancien commandant de Guppy, M. Layrisse, possédait des photographies en couleur de l'incident, et à bien voulu me les confier. Je les publie donc ici en exclusivité.



Vue du cockpit depuis l'arrière, le nez est venu s'encastrer contre l'hélice du moteur numéro 2


Autre vue avec un champ plus large, on aperçoit également les câbles qui retiennent encore les deux parties ensembles...


Vue sur le côté avec déjà deux grues de relevage qui sont sur place pour "soulager" le poids du nez sur les câbles et éviter des dégâts supplémentaires.
Le nez est tombé sur le radôme, et aussi bien radôme que radar devront être changé
La dernière photographie a été prise probablement le 8 ou le 9 novembre pendant les opérations de relevage du nez
Un grand merci à P. Layrisse de m'avoir confié ces photographies !

lundi 12 mai 2014

Visite du Super-Guppy de la NASA

Au terme de mon périple aux Etats-Unis le mois dernier, il me restait un dernier "objectif" de visite que je ne voulais pas manquer : le Super-Guppy de la NASA bien sûr !

Le dernier Super-Guppy en état de vol, basé à El Paso, Texas


L'histoire remonte à novembre 2012 lorsque je suis allé visiter le Super-Guppy F-BTGV en angleterre : Gaz, son responsable m'avait indiqué qu'il avait un contact à la NASA qui pourrait éventuellement me donner accès. Lors de la préparation de mon périple, j'ai donc contacté Stuart, qui est le "lead engineer", c'est à dire le responsable de la maintenance du Guppy de la NASA, afin de voir si il était possible de visiter le dernier Guppy en état de vol, qui n'est autre que l'ex Guppy numéro 4 d'Airbus, le F-GEAI

Stuart m'a répondu par retour de mail qu'il pouvait nous accueillir ma femme et moi sans problème pour une visite du Guppy, et que nous avions de la chance car l'avion est immobilisé pour modernisation à la date prévue pour notre visite !

De loin, sans bâtiment autour, il n'a pas l'air si grand !

Le 24 avril dernier donc, direction l'aéroport de Dallas Fort Worth pour faire un aller retour sur El Paso au Texas. La journée n'a pas très bien commencée pour cause de l'avion qui nous a fait le coup de la panne, une sombre d'histoire d'APU tombé en rade couplé à une fuite dans le circuit pneumatique...et bref il a fallut changer d'appareil ! Un vieux MD-80 remplaçant un autre vieux MD-80, nous avons enfin pu partir avec 2 heures de retard. Entre temps, j'avais réussi à changer mon billet pour repartir deux heures plus tard le soir, afin de ne pas trop écourter la journée !

Il brille, et il dépasse bien, vu depuis l'avion à l'atterrissage 

Arrivé à El Paso, j'ai déjà eu la surprise de voir le Guppy lors de l’atterrissage, brillant de mille feux à proximité de la piste ! Il faut dire qu'avec son revêtement polishé à l'extrême, il réfléchit bien la lumière du soleil, et du soleil il y en a dans cette partie des Etats-Unis. El Paso est une ville située à l'extrême nord-ouest du Texas, à quelques kilomètres de la frontière mexicaine, et le Guppy à du déménager ici suite à des problèmes de corrosion, et il a été décidé que le placer dans un climat chaud et sec serait bien meilleur pour le long terme, plutôt que de le laisser à Houston où le climat est beaucoup plus humide. La NASA possédant une petite installation à El Paso, qui se situe à moins de deux heures de vol de Houston, l'endroit était tout trouvé pour assurer le meilleur climat possible au N941NA !

La vitrine de l'aéroport d'El Paso...une belle découverte !


Même si il ne vole pas beaucoup (entre 100 et 150  heures de vol par an), le N941NA reste actif : il a beaucoup servi pour la construction de la station spatiale internationale (l'ISS), et sert maintenant à transporter des composants pour la nouvelle capsule Orion, après avoir également servi pour transporter les simulateurs de navette spatiale qui sont actuellement exposés au Museum of Flight de Seattle et au musée de l'USAF de Dayton.

Le nouveau nom du F-GEAI


Stuart m'avait également indiqué qu'il y avait une vitrine à l'intérieur de l'aéroport avec des maquettes des avions de la NASA qui ont été basés à El Paso au fil des ans. Installée dans le couloir d'un hall de l'aéroport, cette vitrine retrace l'histoire du dépôt. De haut en bas on trouve un Shuttle Training Aircraft ou "STA", un Gulfstream modifié avec un cockpit de navette spatiale utilisé par les astronautes pour s'entrainer à l'atterrissage de la navette spatiale, un T-38 "Talon", le Super-guppy, et un SCA, un 747 porte-navette.

La flotte des Gulfstream STA


Une fois arrivé sur le site d'El Paso, Stuart nous a présenté à la fois les activités et l'histoire du site. Déjà première précision, ce n'est pas un "centre" de la NASA, c'est un dépôt, aussi appelé "FOL" pour Forward Operating Location", qui historiquement était la base des STA ou "Shuttle Trainer Aircraft", une flotte de Gulfstream fortement modifiés pour simuler l'approche et atterrissage de la navette spatiale. Chaque appareil comportait un siège et une moitié de planche de bord identique à ceux de la navette spatiale, alors que toute la moitié droite était configurée comme un Gulfstream ordinaire. De 1981 à 2011, tous les commandants et pilotes de navette spatiale sans exception ont effectués des millions d'approches simulées grâce à ces appareils, générant ainsi une forte activité sur El Paso, mais hélas, toute cette activité à disparue depuis 2011.

La maintenance des T-38 est la grosse activité d'El Paso avec le Guppy


L'autre spécialité du FOL d'El Paso, c'est la modification et la maintenance au niveau dépôt de toute la flotte de T-38 "Talon" de la NASA. La NASA est un gros client des T-38 : appareil d'escorte, de liaison pour les astronautes, d'entrainement et de maintien des licences de pilotage, les astronautes l'utilisent beaucoup. Or cette flotte est assez vieille et le T-38 n'est pas un avion de conception récente. Les techniciens d'El Paso ont donc pour missions de "regénérer" des T-38 à partir des appareils existants. Pour ce faire, les techniciens vont changer les entrées d'air, refaire les longerons des ailes et du fuselage, refaire les harnais de câbles, moderniser le cockpit etc... C'est un vrai boulot d'artisan que de refaire ces T-38 et les techniciens qui travaillent sur place sont de vrais magiciens et parviennent à faire un avion presque neuf avec un avion en plus que bon état d'usage !

Et le Guppy, of course !! magnifique et étincelant !!


Et enfin, El Paso, c'est le Guppy ! N941NA est la nouvelle identité du F-GEAI d'Airbus, et il est utilisé en continue par la NASA depuis 1997, et volera encore pendant plusieurs années. Il est d'ailleurs en chantier pour une modernisation ambitieuse de ses systèmes de vol !

Welcome onboard N941NA !
Comme à la maison !
Autant dire que j'ai le sentiment "d'être à la maison" en montant à bord...l'odeur est exactement la même d'un Guppy à l'autre, surtout par une chaude journée comme celle là où il fait probablement 38° à l'intérieur de la soute et du cockpit, malgré une petite clim censée pulser de l'air frais à l'intérieur ! Bref, ça me rappelle tout à fait les visites cockpits des Ailes Anciennes !

Le treuil et ses élastiques...plus une nouvelle caisse à outils !

On notera à l'intérieur le treuil qui est équipé de ses élastiques de maintien. Le but de ces élastiques est de tendre la câble d'acier du treuil, rustique mais efficace ! On notera également que la NASA à installé une bonne caisse à outils qui reste dans l'avion en permanence pour pouvoir faire face à tous les petits bobos d'un avion dont les premiers éléments ont volés il y a 65 ans !! La centrale électrique n'a pas changée non plus...si ce n'est l'ajout d'un sticker "NASA" !

La centrale électrique n'a pas bougé !

La montée dans le cockpit réserve une surprise : il est vide...non non pas vide, mais vraiment vide : les sièges sont partis, la planche de bord, les sièges passagers, tout....il ne reste que le panneau du mécanicien navigant qui reste encore à peu près intact ! Alors que se passe-t-il ? La NASA s'est embarquée dans une grande opération de modernisation de son Super-Guppy, et il est immobilisé pour plusieurs mois. Dans la cadre de ce programme, quasiment tous les équipements radio seront modernisés, et la planche de  bord intégralement refaite, avec des instruments à affichage numérique ! Le guppy va passer de l'âge de pierre au XXIème siècle ! Au programme : ajout d'un TCAS (indicateur anti-collision), un vrai GPS, et un EFIS (hoizon artificiel / directeur de vol) digne de ce nom ! Bon en revanche pas de miracle sur le reste : aucun pilote automatique ou assistance sur les commandes n'est au programme !

Passé ma surprise initiale, j'ai hâte de découvrir ce que ça va donner !

L'habituel passage..


La planche de bord...ou du moins ce qu'il en reste : quelques faisceaux de câbles... 
Le panneau du mécanicien navigant, le seul épargné...
Le système de dégivrage des ailes qui fonctionne à l'aide de brûleurs est désactivé à la suite d'un incident où les pilotes ne pouvaient plus l'arrêter, risquant ainsi un incendie...la NASA à depuis décidé de faire sans !

Le panneau des disjoncteurs, avec les breakers du dégivrage bloqués.

Le rack de documentation est au dessus de la porte contrairement au GV ou PA
On découvre toute la structure interne de l'appareil, y compris la partie avant !

On passe ensuite dans a soute, et là un aperçu différent de ce que je connais : la NASA à retiré tout le capitonnage intérieur de la soute il y a quelques années, dans un souci d'alléger l'avion et de mieux détecter les problèmes de corrosion. On découvre ainsi toute la structure interne de l'appareil, y compris à l'avant ! Je regrette ne ne pas avoir pris le trépied pour prendre de meilleures photos !

Détail intéressant, toutes les tuyauteries hydrauliques et électriques qui passent au niveau de la charnière de la porte, chose que l'on ne voit pas sur le GV ou le PA. On se rend ainsi compte qu'Aerospacelines avait quand même fait le maximum pour minimiser les déconnections de câbles nécessaires lors de l'ouverture de la porte principale !

L'enchevêtrement des câbles électriques et hydrauliques au niveau de la charnière
Et les câbles redescendent vers le cockpit ou vers le rack avionique...

Toute la structure avant est bien visible !

Sur le toit on découvre aussi des trous...c'est là que toutes les nouvelles antennes vont être rajoutés !

ça va faire un beau paquet d'antennes !
Le joint rouge marque la station 300, l'ouverture du nez, et on voit distinctement les vérins hydrauliques
Arrivé enfin à l'arrière où il y a les deux enregistreurs de vol, dont le fameux data recorder qui a disparu sur le PA !

Les enregistreurs de vol dans le cône de queue
Ensuite retour à l'extérieur, pour un peu d'air frais et un petit tour de l'appareil !

Un des deux  volet de profondeur a été démonté pour être remis en état
Polishé déjà à plusieurs reprises et constamment nettoyé, l'appareil est vraiment étincelant, et on peut s'admirer dedans ou presque !
Le "S" de Super-Guppy, avec en fond le drapeau texan !
La charnière, potentiel point faible qui est surveillée de près !
à l'intérieur des nacelles moteur, les réservoirs d'eau méthanol ont été retirés...
Et au fil des ans, les quelques fuites d'eau ont stagné, générant une importante corrosion qu'il faut traiter..

La nacelle qui permet d’accéder au toit histoire de percer des trous...
Ah tiens, j'ai retrouvé la planche de bord !

Nous avons fait également le tour du "hangar Guppy" où sont stockés toutes les pièces détachées et le matériel d'entretien. Il y a les plateformes de chargement, des hélices d'avance, une nacelle moteur de rechange etc.

Principale découverte, la "rescue platform" dont je n'avais jamais entendu parler. Il s'agit d'une plateforme transportable par Guppy et autonome. Motorisée, elle possède donc des pieds repliables et peut se hisser à bord du Guppy à l'aide du treuil interne. Elle était utilisable si un Guppy se trouvait immobilisé sur un terrain isolé, un second Guppy pouvait ainsi venir avec cette plateforme à bord et transborder le chargement de son frère immobilisé permettant ainsi de ne pas retarder la chaîne Airbus...


Les plateformes de chargement son également stockés à El Paso.

La "rescue plateform", plateforme autonome transportable par Guppy, utilisable en cas d'urgence sur un terrain non équipé.

Bâti, support de roues et de train

Un train principal de rechange prêt à l'utilisation
J'ai ensuite pu discuter du Guppy avec l'équipe d'El Paso...et il semble que les "failles" du Guppy soient toujours les mêmes : la corrosion et les fissures, un train atterrissage pas toujours coopératif, et une difficulté de plus en plus croissante à trouver des pièces de rechanges ! Puis est venu le temps de repartir si je ne voulais pas rater mon vol...et chacun est parti fouiller dans son bureau à la recherche de stickers et de patch à me donner !!! je suis donc reparti avec de beaux souvenirs !

Après le décollage du vol de retour, j'ai eu la chance de survoler le dépôt...j'avais gardé l'appareil photo à portée de main au cas où...bien m'en a pris, j'ai eu de belles images de ce beau Guppy ! Une bien belle journée au final !

Sur le chemin du retour, une belle vue du dépôt

Many thanks to Stuart who took the time to show us the history and the work of the El Paso Depot, and many thanks to all the skilled enginneer and technicians who are doing a wonderful work on those aircrafts, and were happy to share their work with us !