jeudi 10 juillet 2014

Visite du Super-Guppy de Pima

Lors de ma visite au Pima Air and Space Museum, j'ai eu l'occasion de croiser un Super-Guppy, le N940NS. Cet appareil est particulier : il s'agit du tout premier Super-Guppy construit. D'un point de vue chronologique, c'est le deuxième appareil de la famille à avoir été construit, juste après le Pregnant-Guppy.
Visite au N940NS à Pima

Sa genèse remonte donc à 1963, lorsqu'il est devenu évident que le Pregnant Guppy ne pourrait pas transporter les tronçons de fusées de la Saturn V : il fallait un appareil plus grand, capable de transporter des charges plus lourdes : Jack Conroy va donc repartir du Stratocruiser, et créer un nouvel appareil, reprenant le principe du Pregnant Guppy pour donner naissance au "Very Pregnant Guppy", plus communément appelé "Super-Guppy". Premier point : il est très différent des Super-Guppy d'Airbus : le numéro 1 de Bruntingthorpe, où le numéro 2 de Toulouse et le numéro 4 de la NASA sont tous des Super-Guppy Turbine…alors que celui-ci est un Super-Guppy tout court…nous verrons un peu plus loin les différences entre les deux modèles.

Un héritage du Stratocruiser, du YC-97J et d'Aero Spacelines tout à la fois...

Aero Spacelines avait besoin d'un appareil plus puissant que le Stratocruiser pour pouvoir transporter les nouveaux tronçons de fusées. Conroy sait que Boeing à produit pour l'USAF deux YC-97J, une version remotorisée avec des turbopropulseurs du C-97, lui-même version militaire du Stratocruiser ! Conroy sait qu'il pourrait gagner un temps précieux si il pouvait cannibaliser un de ces appareils ! Il va donc faire pression sur l'USAF qui va finir par céder et lui donner un des deux appareils...ainsi qu'un lot de 32 turbines..

Les turbines T-34 et les hélices Curtiss sont uniques au Super-Guppy NASA
Cependant, pour des raisons de certifications auprès de la FAA, il faut que le nouvel appareil vienne d'un appareil civil et déjà immatriculé aux Etats-Unis : qu'à cela ne tienne : ASI va donc découper un Stratocruiser civil, le N1038V, et l'YC-97J pour assembler le tout et donner naissance au premier "Super-Guppy" immatriculé N1038V !

Le point fort de l'appareil est ses imposantes turbines T-34. Le problème est qu'elles sont un modèle expérimentale…et il n'y en a pas des quantités faramineuses (32 en tout) ! La chasse au pièces de moteurs sera un souci constant tout au long de l'histoire de cet appareil !

Vue de l'arrière de l'appareil

L'appareil fait son premier vol en 1965, et manquera de s'écraser lors de son dernier vol d'essai…mais heureusement il survivra ! Mis en ligne pour la NASA, il va faire des millions de miles pour le compte de l'agence américaine, transportant tronçons de fusées et équipements divers et variés.

Les 2 charnières du système d'ouverture

En 1979, ASI, devenu TRACOR entre temps est obligé de se reconvertir, et va devoir vendre ce Super-Guppy. La NASA en ayant encore besoin va l'acheter pour son compte, l'appareil changeant d'immatriculation pour devenir le N940NS. L'agence spatiale va l'utiliser jusqu'à ce qu'il n'y ait plus que quatre moteurs de disponibles ! Passé ce jour, il faudra bien le mettre à la retraite !

La dérive est typique de tous les Super-Guppy

Ce jour est finalement arrivé au début des années 80, et la NASA va le convoyer jusqu'au Boneyard de Tucson. Il sera ensuite prêté au Pima Air and Space Museum où il se trouve toujours aujourd'hui, là où j'ai pu le voir !

Vue de l'avant de l'appareil


Quelles sont donc les différences entre ce "Super-Guppy" et le "Super-Guppy Turbine" ? De loin, on dirait qu'il s'agit du même appareil, mais de près, les différences deviennent flagrantes !

N940NS vs N941NA ou Super-Guppy contre Super-Guppy Turbine
La forme du fuselage tout d'abord : le SG (Super-Guppy) possède encore le fuselage inférieure du Stratocruiser, à savoir le lobe inférieur du fuselage d'origine, alors que le SGT (Super-Guppy Turbine) possède une partie inférieure également modifiée, non plus en arc de cercle, mais en "V", ce qui permet de d'élargir la section de l'avion au niveau du plancher, permettant ainsi de charger du cargo plus voulumineux sans avoir besoin de le surélever.

On note la forme de la partie basse du fuselage entre SG à gauche et SGT à droite
Les moteurs ensuite : le SG possède des turbines T34 alors que le SGT possède des turbines Allisson 501-D22C, dérivées du T56, qui sont moins puissantes, mais plus répandues : ASI avait acheté un lot de 32 moteurs T-34 en même temps que le YC-97J qui allait donner naissance au SG…et la NASA à été obligée de mettre l'appareil à la retraite le jour où le dernier moteur de rechange à rendu l'âme…alors que les turbines Allisson sont très répandues, utilisées entre autre sur le E-2 "Hawkeye" ou C-2 "Greyhound", ce qui fait qu'Airbus pouvait commander des pièces détachées pour ses moteurs sans trop de problèmes. De la même manière, le SG possède des hélices tripales Curtiss alors que le SGT possède des hélices quadripales Hamilton.

Les hélices tripales sont caractéristiques du SG

Autre différence : l'emplanture des ailes : le SG possède la même section centrale que le KC-97, et ses ailes ont du être allongées pour empêcher les hélices de venir frapper contre le fuselage, alors que le SGT possède une section centrale qui avait été entièrement fabriquée par ASI, qui incorporait une extension d'ailes, permettant de garder des ailes de KC-97 éloignant suffisamment les hélices du fuselage. Le train avant est également différent : le SG possède un train d'origine de C-97, alors que le SGT possède un train avant de Boeing 707 avec le fût monté à l'envers.

Le train avant du SG : héritage du C-97


Au niveau du système de fermeture : le SG possède deux charnières sur le côté, permettant au nez de pivoter. Ces charnières dépassent beaucoup du fuselage et présentent l'inconvénient qu'il faut impérativement ouvrir l'appareil à plat…alors que le SGT possède une unique charnière montée sur une rotule sphérique, ce qui donne une légère tolérance sur un sol irrégulier, ou permet à l'avion de bouger légèrement lors des opérations de chargement/déchargement sans imposer trop de tension sur les charnières, partie critique sur le SG.

Avec deux charnières sur le SG ou une seule sur le SGT

Voilà pour les principales différences. On citera aussi la présence d'une porte cargo à l'arrière droit de l'appareil, héritage du Stratocruiser, qui ne sera pas reconduit sur le SGT. Il existe également d'autres différences à l'intérieur…mais n'ayant pas pu pénétrer à l'intérieur du SG, je n'ai pas encore tout découvert, il faudra que je revienne !

Le SG possède une porte cargo héritée du Stratocruiser que ne possède pas le SGT