mardi 18 octobre 2011

Le F-BPPA perd son nez : l'accident de Finkenwerder

Au matin du 5 novembre 1982, il est 9h30 lorsque le vol QK833 se pose à Finkenwerder (Hambourg). Il s'agit du F-BPPA, Guppy n°2 qui vient chercher un tronçon "16/19" , la partie arrière d'un A300. L'appareil est dirigé à l'écart de la piste, le long du bâtiment n°7. L'ouverture et le chargement se font suivant les procédures UTA.

Il est 10h40 lorsque le chargement est terminé. Le chariot élévateur encore en place, le mécanicien navigant se dirige vers l'arrière pendant que le copilote se trouve dans le cockpit pour préparer le vol de retour. Le commandant de bord se trouve alors au bureau des vols pour l'établissement du plan de vol de retour vers Lille.

Il est 10h45 lorsqu'un bref et violent coup de vent se fait sentir. Assis dans le cockpit, le copilote sent le nez osciller et songe à en avertir le mécanicien navigant, lorsque le nez bascule vers l'avant.

La charnière vient de se briser, et le nez est tombé, écrasant le radôme au passage.

Le deuxième arrachage de porte


Le copilote est indemne et peut sortir de l'avion par ses propres moyens. Averti le commandant accourt pour constater les dégâts et mettre l'avion en sécurité (immobilisation des roues, démontage de la batterie de bord). Les équipes de MBB vont également tendre des câbles en acier entre le nez et le fuselage pour éviter tout mouvement supplémentaire susceptible d'aggraver les dégâts.

Dépêchés sur place, les ingénieurs d'UTA ne peuvent que constater que la charnière est à changer et que les faisceaux de câbles doivent être vérifiés et de nombreux fils sont à changer ! Au niveau structurel, la pointe avant et le radôme vont nécessiter de nombreuses réparations.

La première priorité est de redresser la porte. Cette action est entreprise en deux temps : une grue va d'abord soulever l'ensemble avant pour le faire reposer sur le train avant, et dans un second temps, l'ensemble sera basculé pour le remettre face au fuselage. Les deux ensembles sont ensuite boulonnés pour que l'avion puisse être déplacé.

Seuls les faisceaux de câbles tiennent les deux parties !


Après le redressement de la porte, le Guppy sera placé dans un hangar et les réparations commenceront le 11 novembre, avec une vingtaine de spécialistes d'UTA et de MBB. Les réparations s'étaleront du 11 au 16 novembre (rapide lorsque l'on constate l'étendue des dégâts !) cette phase étant suivie de cinq jours de tests pour vérifier l'intégrité des circuits électriques. L'appareil sera finalement remis en ligne le 22 novembre, pouvant enfin ramener le tronçon arrière tant attendu à Toulouse !

Analyse de l'incident

Une enquête est rapidement menée pour comprendre l'évènement et trouver des solutions pour qu'il ne se reproduise plus. Les trois premières constatations sont les suivantes :
- La procédure d'ouverture et de chargement était en tout point conforme au manuel d'exploitation.
- Le vent relevé par la tour de contrôle était largement dans les limites.
- Contrairement à l'incident de Madrid, la roue avant était immobilisé et de ce fait n'a pas bougée.

L'examen de l'avion permet d'établir qu'il était stable et horizontal au moment de l'accident. La partie arrière de la charnière (solidaire du fuselage) est intacte, en revanche, sur la partie avant "l'oreille" est cassée en deux endroits au niveau des trous de fixation pour le maintien de la rotule. Toute les cassures sont nettes, et ne présentent aucun signe de fatigue du métal.

Vue latérale de la charnière (en haut) et longitudinale (en bas)


Ces éléments montrent sans équivoque que le nez à basculé vers l'avant. Or le  basculement  vers  l'avant  ne  peut  avoir  pour  origine  qu'une  force  aérodynamique  résultant  d'un  vent  soufflant  vers  l'intérieur  du  nez,  donc  d'une direction  locale  différente  de  celle  indiquée  par  la  tour  ;   cette hypothèse est jugée  plausible  compte   tenu  des  bâtiments  importants  situés  autour  du  point de  stationnement  de  l'avion (voir illustration ci-dessous) et  induisant  des  variations locales  de  direction  et  de  force  du  vent. Coincé entre quatre grands hangars, le Guppy subissait des vents de force et de direction différentes de celle mesurées par la tour. Des études réalisés les jours suivants l'accident ont démontré que l'environnement près des hangars pouvait présenter des vents de force et de direction totalement différentes de ce qui était mesuré à la tour de contrôle.

Position du Super-Guppy au moment de l'accident

Les recommandations suite à l'accident seront les suivantes :

- définir sur chaque aéroport une zone à l'écart des bâtiments pour l'ouverture/fermeture du nez.

- orienter systémmatiquement l'appareil pour que le vent souffle sur le travers gauche, pour éviter qu'une faible variation de vent ne vienne souffler à l'intérieur du nez.

- ne pas renforcer la charnière, qui a joué le rôle de fusible en protégeant la structure de dommage plus importants.

- de mieux définir la position du centre de gravité du nez pour mieux prévoir les risques de basculement.

dimanche 16 octobre 2011

Guppy à terre : les accidents

Ainsi que je le disais dans l'histoire des Guppies, une des devises des équipes de maintenance d'UTA était "à chaque moment suffit sa panne" traduisant le soin constant que nécessitait ces appareils. De fait, la liste des incidents était nombreuses : train refusant de sortir, antigivrage en panne, trou dans le fuselage suite à la rencontre avec un élévateur etc...Mais il y eut très peu d'incidents graves...de toute l'histoire de l'exploitation des Guppies par Airbus, on en dénombre cinq : trois effacements de train et deux arrachements de porte lors du chargement.

Pour la petite histoire, le BTGV (n°1) fut le plus malchanceux, vu qu'il cumule à lui seul trois des cinq accidents ! Deux effacements de train et un arrachage de porte. Le BPPA à vu sa porte arrachée une fois et le GDSG a vu son train avant s'effacer une fois.

Finkenwerder, Hambourg, 1972

le 21 mars 1972, le F-BTGV se pose à Hambourg sur l'aéroport de Finkenwerder pour venir chercher un tronçon arrière d'A300. Un violent coup de vent lors de l’atterrissage fait que l'appareil quitte la piste, et le train avant se rétracte, et le Guppy termine sur le nez. L'un des observateur assis sur le tabouret à côté du commandant est éjecté de son siège et se cogne violemment contre le plafond de la cabine. Le reste de l'équipage est indemne, mais la chaine d'assemblage d'Airbus est stoppée nette : le BTGV était le seul Guppy en service à l'époque...




Lemwerder, Brême 1974

Le 22 Mars 1974, le F-BTGV se retrouve accidenté pour la seconde fois...avec un scénario quasi-identique : la rétraction du train avant à atterrissage.  Confronté au même accident pour la deuxième fois en deux ans, les responsables de l'Aéromaritime réalisent qu'il faut faire quelque chose. Conscient que le train avant du Guppy est beaucoup plus sollicité que celui d'un avion normal (même si il s'agit du train avant d'un Boeing 707, avion beaucoup plus lourd) des études sont entreprises afin le renforcer.

La solution retenue sera de modifier la cinématique du train avant. Les études sont menées par l'établissement de Chatillon de l'Aerospatiale. Le schéma ci-dessous résume les modifications : dans la cinématique d'origine, l'angle presque plat entre les éléments (4) et (5) conduit à des efforts très important sur la bielle (4) même pour des efforts peu important de la bielle (3) (c'est le jonction entre ces trois éléments que l'on a retrouvé brisée dans les deux incidents).

En raccourcissant la bielle (4) et en allongeant légèrement la bielle (3) on obtient un assemblage beaucoup plus solide. Les essais de cette nouvelle cinématique seront menées sur le BTGV fin 1974.

La nouvelle cinématique du train avant du Super-Guppy



Getafe, Madrid 1977

En 1977, un incident d'un nouveau genre se produit : l'arrachement de la porte avant. Il faut voir en effet que cette porte avant, lorsqu'elle est en position ouverte, n'est retenu que en trois points : par le train avant, le diabolo de manoeuvre et la charnière située à la jonction des deux parties. Cette position assez instable suppose que l'ensemble avant reste fixe et ne subit pas d'efforts latéraux, or le volume de la partie avant est tel que en cas de coup de vent, il va se comporter comme une voile, provoquant une forte poussée vers l'avant de l'ensemble de porte. Si le vent est trop fort et s'engouffre dans la partie avant, l'ensemble bouge et si le vent est trop fort, le nez bascule vers l'avant...cet incident est arrivé deux fois dans l'histoire des Guppies.

Le 29 mars 1977, le F-BTGV est à l'aéroport de Getafe à Madrid pour charger une dérive arrière d'A300. Le chargement se fait sans anomalie, et la procédure de fermeture peut commencer. Arrivé à mi-chemin de la fermeture, un violent coup de vent survient et s'engouffre dans le nez. Les opérateurs perdent alors le contrôle, le vérin de manœuvre ne pouvant contenir la force d'inertie de l'ensemble avant. La porte arrive alors violemment en butée, et la ferrure d'articulation de la charnière se rompt. Privé de maintien, le nez tombe, écrasant le radôme et endommagent une des hélices de l'avion. Seuls une partie des  faisceau de câbles électriques empêche le nez de se désolidariser complètement du fuselage.

Illustration de l'incident de Madrid


L'avion est immobilisé, et il faudra une grue et trois jours d'efforts pour relever le nez avant d'effectuer une réparation de la charnière et des dégâts structuraux occasionnés.

Finkenwerder, Hambourg 1982

Au matin du 5 novembre 1982, le F-BPPA est à Hambourg pour charger une pointe arrière d'A300. Le chargement est presque terminé lorsqu'un bref et violent coup de vent se fait sentir et avant que quiconque puisse réagir le nez bascule vers l'avant. Comme à Madrid, la charnière vient de se briser, et le nez est tombé, écrasant le radôme au passage.

Le deuxième arrachage de porte

Il n'y a pas de blessé et l'avion est mis en sécurité (immobilisation des roues, démontage de la batterie de bord). Après le redressement de la porte, le Guppy sera placé dans un hangar et les réparations commenceront le 11 novembre, avec une vingtaine de spécialistes d'UTA et de MBB. L'appareil sera remis en ligne le 22 novembre, pouvant enfin ramener le tronçon arrière tant attendu à Toulouse !

Plus de détails sur cet incident dans cet article

Satolas, Lyon, 1993

Octobre 1993 : le GDSG est de retour de Hambourg pour Toulouse. Confronté à un fort vent de face, l'appareil se déroute pour aller se poser à l'aéroport de Lyon Satolas...L'appareil touche la piste et commence à rouler, avant que la roulette du train avant ne lâche. Le train se rétracte et l'appareil termine sur le nez. N'ayant pas eu accès au rapport d'incident, je n'en connais pas les causes exactes...