samedi 24 novembre 2012

Le 941 toujours au service de la NASA

Après un été particulièrement chargé, le Super-Guppy de la NASA, le N941NA, ex F-GEAI, reprend du service pour la conquête spatiale. Sa nouvelle mission va consister à transporter des éléments pour la capsule "Orion", la nouvelle capsule spatiale du nouveau programme de vol habité de la NASA.

Le Guppy N941NA en pleine préparation pour sa nouvelle mission

Une des premières missions pour le Guppy va être de transporter le bouclier thermique de la nouvelle capsule. Ce bouclier forme la base du cône de la capsule et son rôle est de protéger la capsule de l'échauffement durant la rentrée dans l'atmosphère.

Le premier exemplaire de la capsule est actuellement en cours d'assemblage en Floride au centre spatial Kennedy. Cet assemblage a débuté fin Août et devrait durer 17 mois. Les différents sous-ensembles sont construits à travers tout le pays. Lockeed Martin se concentre à présent sur la fabrication du bouclier thermique dans son usine de Denver (Colorado). Il est constitué de plusieurs couches d'un nouveau matériau composite, répondant au doux nom de AVCO 5029-39 HCG, et devant résister jusqu'à une température de plus de 2500°C.

Vue d'artiste du future vaisseau "Orion" avec son module de service (en bas) et son module de commande (en haut). La base du module de commande est composée du bouclier thermique


Une fois cet ensemble intégré, il faudra le transporter jusqu'en Floride, et c'est là que le Guppy entre en jeu. Avec un diamètre de 5,2 mètres, le bouclier thermique ne peut pas rentrer dans un avion cargo classique, mais il tiendra confortablement dans le Guppy et son diamètre interne de 7,7 mètres !

Un premier test de la capsule Orion est prévu pour la fin de l'année 2013 ou début 2014, avec un lancement prévu au sommet d'une fusée "Delta IV". Ce vol, dénommé Exploration Flight Test 1 (EFT-1), sera un vol inhabité destiné à tester les systèmes de vol et de rentrée dans l'atmosphère du véhicule.

Le Guppy a encore de belles missions à venir !

Carburant

Le Super-Guppy possède un circuit de carburant "classique" pour un avion des années 40. Les réservoirs sont en fait composés de plusieurs cellules en plastique souple (1). Ces cellules sont reliées entre-elles en plusieurs groupes formant des réservoirs. Chaque réservoir possède ses propres pompes et systèmes d'aspiration, alimentant un moteur en particulier. Une rampe permet l’interconnexion des différents réservoirs. Voir le schéma (2) pour une vue plus détaillée.

Schéma d'une cellule de carburant


Le Super-Guppy possède 5 réservoirs, totalisant 35 éléments en plastique souple, pour une capacité totale de 29 490 litres de kérosène (3). Il possède deux réservoirs par aile et un réservoir central, situé dans la soute inférieure au même niveau que l'emplanture des ailes.
Schéma d'une partie du circuit carburant du Stratocruiser / Guppy
Les réservoirs peuvent être remplis sous pression via la rampe d'alimentation générale, via une prise  située sous l'aile gauche de l'appareil. En cas de besoin, les réservoirs peuvent également être remplis par gravité (comme pour une voiture) grâce à des prises d'avitaillement situées sur les ailes.

Il y a deux pompes électriques à deux vitesses dans chaque réservoir, qui sont commandées par un sélecteur rotatif au poste du mécanicien navigant. Ce sélecteur à quatre voies (4) peut prendre les positions suivantes :
  • OFF : la valve est fermée et les moteurs éteints
  • TANK TO ENGINE : le réservoir alimente son moteur et est isolé de la rampe générale
  • TANK TO MANIFOLD : le réservoir n'alimente pas son moteur mais est relié directement à la rampe générale.
  • TANK TO ENGINE TO MANIFOLD : le réservoir alimente à la fois son moteur et la rampe générale.
  • MANIFOLD TO ENGINE : le réservoir est isolé et le moteur n'est alimenté que par la rampe générale.
Panneau du mécanicien navigant - les commandes carburant

Il n'existe pas de système de gestion automatique du carburant. C'est le rôle du mécanicien navigant de gérer le carburant en jouant sur les valves et la vitesse des pompes (5) pour assurer l'alimentation et la bonne gestion du carburant.

A noter que le réservoir central ne peut pas être relié aux autres : il s'agit d'un réservoir ballast, le carburant qu'il embarque servant de lest pour régler le centre de gravité vertical de l'appareil. Il ne peut pas être consommé pendant le vol.

Le contrôle du plein peut être fait à partir du cockpit ou du boîtier d'avitaillement mobile (cas le plus courant). Le boîtier d'avitaillement mobile est une sorte de télécommande, permettant de contrôler les valves de carburant de manière déportée. Il se compose d'un boîtier (6) pouvant être branché sous l'aile gauche de l'appareil. Un cordon ombilical étant relié à une prise électrique, il permet d'activer et de manœuvrer les valves de carburant des différents réservoirs de carburant. Ce boîtier se range ensuite dans la soute inférieure arrière pendant le vol.

Le panneau d'avitaillement mobile

Un ensemble de  mesures, constitué de valves à flotteur, est situé dans chaque réservoir, et permet de donner le niveau de carburant de chaque réservoir. Ce niveau est affiché sur le panneau du mécanicien navigant. On trouve également un système de "vide-vite" permettant de vidanger le carburant en vol, à raison de 700 litres par minute.

Dans la soute principale, se trouve une jauge à main (7), qui permet d'aller vérifier manuellement le plein de chaque réservoir via les points de ravitaillement par gravité. Cette jauge est équipée d'un abaque (8) permettant de connaître pour chaque réservoir la quantité de carburant en fonction du niveau immergé.

Cloison avant de la soute principale avec la jauge à main.

jeudi 8 novembre 2012

Hydraulique

Le Super-Guppy présente la particularité de posséder non pas un, mais deux circuits hydrauliques : un circuit "avion" et un circuit "auxiliaire". Ces deux circuits sont indépendants et complémentaires.

Circuit Auxiliaire

Ce circuit est celui qui est utilisé au sol pour manœuvrer les vérins et les broches de verrouillage, lors des manœuvres d'ouverture et de fermeture.

Il se compose d'un réservoir (appelé "bâche") non pressurisé d'une capacité de 20 litres environ (2). Ses deux sources de pressurisation sont : un moteur électrique alimenté par l'alimentation électrique sol, ou une pompe à main (3), située immédiatement à droite de la porte d'entrée.

panneau de commande principal
Un ensemble de clapets anti-retour empêche toute pressurisation de la bâche (circulation du fluide hydraulique en sens unique) et des clapets de surpression sont prévus pour s'ouvrir automatiquement en cas de surpression de l'ensemble des tuyauteries. Ils s'ouvrent à 86 bars.

Le panneau de commande principal (1) est situé à côté de la pompe à main et regroupe les principales commandes permettant de pressuriser les différents sous-éléments du circuit (vérins, diabolo de manœuvre, broche de verrouillage du nez). Il possède un sélecteur principal à trois positions :
  • Off : aucun circuit n'est alimenté, le circuit est isolé (utilisé en vol ou lorsque l'avion est au repos)
  • Main : circuit de manœuvre du nez alimenté
  • Pallet : circuit de verrouillage des charges alimenté

Les différents robinets qui sont présents sur ce panneau sont des valves d'isolement de type pointeau. Elles permettent de n'alimenter qu'un seul vérin à la fois en isolant les autres (ce qui simplifie le circuit, et permet d'isoler rapidement toute fuite). Tous les vérins en sont équipés, sauf celui du diabolo de manœuvre.

On trouve sur ce panneau les commandes pour :
  • les  2  vérins  de  stabilisation  fuselage  avant
  • le  vérin  du diabolo de manœuvre
  • les  2  broches  automatiques  supérieures
  • les  2  broches  automatiques  centrales
  • les  2  broches  automatiques  inférieures
  • les  6  broches  manuelles
  • les  4  broches  d'alignement.

Schéma du circuit hydraulique auxiliaire du Super-Guppy
La disposition des commandes n'est pas faite au hasard, et correspond à l'ordre d'utilisation normale des commandes (de haut en bas et de gauche à droite pour l'ouverture, l'inverse pour la fermeture)

Un bouton "HYD PUMP" permet la mise en route du moteur hydraulique.

Il existe deux autres panneaux de commande. Le premier est situé à la porte arrière, et permet de manœuvrer  le vérin de stabilisation arrière uniquement. Il comporte un manomètre, un robinet d'isolement et la commande de mise en marche du moteur hydraulique.

Le dernier panneau (4) est situé dans la soute principale, et permet de manœuvrer les broches de verrouillage de chargement. Il est équipé d'un manomètre, d'un bouton de mise en marche du moteur "HYD PUMP" ainsi que d'un sélecteur à trois positions permettant de sortir, rentrer ou verrouiller les broches de verrouillage. Un panneau indicateur (5) situé juste au dessus indique la position de toutes les broches de manière lumineuse.
4 - robinet de manoeuvre du système de verrouillage des charges. 5 - panneau indicateur

Circuit avion

Le deuxième circuit hydraulique est le circuit "avion". Plus "classique", il assure les fonctions suivantes :
  • Direction de la roue avant (6)
  • Freinage (normal et secours) (7)
  • Essuie-glaces (8)
L'ensemble du circuit n'est pressurisé que pendant les phases de roulage, de décollage et d'atterrissage. Il est dépressurisé pendant le reste du vol.

Une bâche hydraulique (9) (réservoir) est située sur le côté droit du cockpit, avec une réserve de 31 litres de fluide hydraulique (aussi appelé "Skydrol"). Un ensemble de tuyauteries amène ensuite le liquide sous pression là où il est nécessaire.

Schéma de la bâche hydraulique située dans le cockpit

Il y a trois pompes qui peuvent alimenter le circuit : deux pompes électriques (10), alimentées chacune par un des turbopropulseurs intérieurs, et une pompe auxiliaire (11) située sous le cockpit. En complément, il y a également une pompe à main (12) actionnée par le copilote. Cette pompe est utilisée en dernier recours si les trois pompes sont hors service. Le circuit moteur est protégé par des robinets coupe-feu actionnés par les poignées d'arrêt d'urgence en cas d'incendie sur les moteurs.

Schéma du circuit hydraulique avion du Super-Guppy

Le circuit est commandé par un sélecteur situé sur la planche co-pilote (13), suivant 3 positions
  • "EMERGENCY BRAKE CHARGING" : dans cette position, les pompes alimentent un circuit de secours permettant de charger des accumulateurs (14). Une fois les accumulateurs chargés, le frein de secours est disponible
  • "NORMAL" : le circuit du frein de secours est isolé, et tous les autres circuits sont mis en pression. C'est la position pour le roulage, le décollage et l’atterrissage.
  • "DEPRESSURIZED" : les pompes sont reliées directement à la bâche de stockage, ce qui empêche d'accumuler de la pression dans le circuit, même si les pompes sont mises en fonctionnement. C'est la position standard pendant le vol.
Vue depuis le siège du copilote.

Des clapets de surpression sont prévus pour s'ouvrir à 125 bar pour éviter toute pression excessive dans le circuit.

A noter que des prises auto-obturatrices sont situées à la station 300, pour permettre le découplage des tuyauteries menant aux moteurs lors de l'ouverture du nez. Le fait qu'elles soient auto-obturatrices fait qu'il n'est pas nécessaire de vidanger le circuit pour ouvrir le nez.

Situé sous le plancher du cockpit, le logement des accumulateurs du système de freinage d'urgence.

Le circuit de freinage normal est commandé depuis le palonnier, en appuyant sur les pédales. Le circuit commande directement les tambours de frein des deux trains principaux. Le circuit de secours est commandé par deux leviers situés sur le plafond du cockpit (15), juste au dessus du commandant. Ils permettent la décharge des accumulateurs de freinage dans le circuit de freinage des trains principaux. A noter que les tuyauteries sont indépendantes, ce qui signifie que, même si une fuite est détectée sur le circuit de freinage, le système de secours est toujours opérant. Cette redondance permettait d'assurer le freinage de l'avion, et ce même en cas de panne.