lundi 30 novembre 2015

Visite intérieure du Guppy de Pima

Vous vous souvenez, l'année dernière j'avais eu l'occasion de visiter le musée de Pima en Arizona, ce qui m'avait permis de découvrir le premier Super-Guppy, le N940NS, premier Guppy de la NASA. Ce Guppy est très différent extérieurement du Super Guppy Turbine des Ailes Anciennes, mais je n'avais pas pu visiter l'intérieur, et j'étais donc resté sur ma faim !

Le 940NS est stocké au musée de Pima
Heureusement cette année, j'avais un point de contact à Pima, qui pouvait m'ouvrir le Guppy afin que je puisse visiter l'intérieur : une occasion en or à ne pas rater ! Vous avez donc droit à la visite guidée de ce Guppy en exclusivité mondiale !

Le 15 octobre dernier, j'étais donc de retour à Pima où John B, un des responsable des collections, m'attendait pour m'ouvrir l'appareil. Le câble de maintient de la porte avant étant cassé, il fallait passer par la porte arrière, mais pour garder un sens "logique" avec les autres articles de ce blog, je vais commencer cette visite guidée comme si j'étais passé par la porte avant !

On commence donc par la soute inférieure avant ! Cette zone s'étend de l'avant des ailes jusqu'au cockpit. Elle regroupe à la fois la climatisation de la cabine, la centrale électrique et les vérins hydrauliques de stabilisation avant. On trouve également dans un coin des WC chimiques qui sont utilisables par l'équipage, avec un rideau pour avoir un minimum d'intimité. La règle était toujours la même : le premier à s'en servir doit les vider après le vol !

Vue vers l'arrière, avec la cloison du réservoir de carburant central au fond et le groupe de climatisation à gauche.

En reagardant vers l'avant, on peut voir les deux vérins hydrauliques, ainsi que le panneau de contrôle hydraulique, qui gère l'extension des vérins. Ce panneau est plus petit que sur un Guppy Turbine, et pour cause : sur ce premier Guppy, il n'y avait pas de broches de verrouillage hydraulique, elles étaient toutes manuelles !

La zone de séparation est à la station 300, juste en avant des deux vérins. En regardant vers le haut, on aperçoit le système de déconnexion rapide des câbles, identique à celui du SGT, avec ses peignes de maintien.
Vue vers l'avant avec le panneau hydraulique à droite, juste à côté de la porte et les deux vérins hydrauliques avant.
Sur le côté opposé à la porte, on peut voir la centrale électrique de l'avion : l'ensemble des relais, circuits et disjoncteurs sont regroupés dans cette zone qui était le "fief" des mécaniciens navigants dès qu'un problème survenait.

Cette centrale électrique est beaucoup plus grande que sur le SGT, car les hélices Curtiss sont des hélices électriques, contrairement aux hélices Hamilton. Autre différence notable : le Guppy 940 possédait également un GTU, une turbine auxiliaire lui permettant de démarrer ses moteurs sans aide d'un groupe de parc extérieur.

La "centrale électrique" du Guppy 940
On continue en avançant vers l'avant, et en montant les trois marches pour monter vers la partie inférieure du cockpit. Comme le Guppy 940 ne possédait pas de pressurisation, il n'y a pas de porte épaisse à passer avant de monter dans le cockpit.

On débouche ensuite sous le cockpit, juste au dessus du puit de train avant. Cette zone est très encombrée : on retrouve en effet ici toutes les junction-box, les boitiers de relais électriques, ainsi que les bouteilles d'oxygène destinées à l'équipage. Au centre, se trouve également une trappe qui débouche dans le puit de train. Elle permettait de venir inspecter le train avant pour vérifier que celui-ci était bien sorti et verrouillé, mais n'aurait pas pu servir d'issue de secours vu sa petite taille !

Sous le cockpit, la zone technique tout à l'avant de l'appareil


On monte ensuite dans le cockpit par la trappe du plancher, avec le mouvement habituel pour ne pas se cogner la tête sur la trappe.

On débouche ensuite dans un cockpit entièrement peint en bleu NASA sur les murs et le plafond, avec les trois postes habituels : les deux pilotes à l'avant et le mécanicien navigant au milieu. Beaucoup d'instruments ont été cannibalisés par la NASA pour permettre de récupérer des pièces de rechanges utiles pour le Guppy 941 lorsque celui-ci a été acheté par l'agence américaine.

Arrivée dans le cockpit

Le poste du mécano-nav est encore complet !
Le poste du mécanicien navigant est encore complet, en revanche il y a moins de choses à voir sur la planche de bord : une dizaine d'instruments ont été retirés, et surtout il manque les deux volants de commande. Pour la petite info, l'un des deux manches a été démonté et offert au chef pilote du 940 lorsqu'il a pris sa retraite ! De la même manière, l'ensemble des sièges passagers et les couchettes ont été démontées ce qui laisse un grand vide dans l'ensemble du cockpit. Toutes les fenêtres sont obscurcies par le spraylat, couche de latex protectrice qui est appliquée sur les appareils pour les protéger du sable et du soleil.

Vue de la planche de bord
Après avoir fait le tour du cockpit, il est temps d'aller vers l'arrière et de visiter la soute principale ! Comme tous les Guppy, on pénètre par une porte située à l'arrière du cockpit, ce qui permet de découvrir une immense cathédrale à l'arrière. Le diamètre est de 7m 80 au plus large, ce qui est le même diamètre que le SGT. De manière générale, la soute du Guppy 940 à la même dimension que celle du SGT, la différence se situe au niveau du plancher, qui est moins large sur le 940, car le bas du fuselage conserve la forme du Stratocruiser, et n'a pas bénéficié de la modification de la forme en "V" qui a été inaugurée pour le premier Mini-Guppy et qui sera reconduite sur le SGT.

Bienvenue dans la soute ! Vous constatez que la largeur du plancher est bien moins importante que celle du SGT
Sur le côté, on aperçoit des barres jaunes : il s'agit du système de verrouillage des palettes pour le chargement : en inclinant les barres vers l'intérieur, on déverrouille les broches, ce qui permet de faire coulisser les charges, puis une fois la palette en place, on repousse la barre contre la cloison, ce qui verrouille la palette grâce à des broches situées à l'intérieur du rail.

En regardant vers l'avant, on peut d'abord constater qu'il n'existe aucune protection interne de la structure, le métal est nu, ce qui permet de voir le cockpit d'origine sans aucun problème ! On peut ainsi voir le renforcement du nez qui a été posé après l'accident qui à failli détruire ce Guppy lors de son dernier vol d'essai en 1965 !

Le nez au dessus du cockpit est particulièrement renforcé

Au dessus du cockpit, et au plafond de la soute, on aperçoit ensuite une grande structure en forme d'arche : il s'agit d'un "pont", qui permet de monter jusqu'en haut de la soute. Ce pont est astucieusement monté sur des rails, ce qui permet de le faire coulisser à l'intérieur de la soute, et il permet d'avoir accès aux broches de verrouillage située en haut de l'appareil, car elles sont manuelles et doivent être serrée à la clé après chaque chargement !

C'est l'heure de l'escalade !
On continue la visite sur le côté gauche de l'appareil, là où se trouvent les deux immenses charnières qui permettent l'ouverture du nez de l'appareil. C'est également là que passent les nombreux faisceaux de câbles et tuyauteries hydrauliques qui du coup n'ont pas besoin d'être déconnectées lors de l'ouverture/fermeture de l'appareil !

Les tuyauteries au niveau des charnières...
On se déplace ensuite vers l'arrière de la soute,où l'on retrouve la partie d'origine du YC-97J qui a servi à la construction. La différence est très marquée entre le fuselage d'origine et l'extension réalisée par ASI en 1965. Cette zone arrière est très différente su SGT en ce qui concerne le cheminement des câbles de commandes et l'absence d’enregistreurs de vol. On observe également une trappe dans le plancher qui permet de descendre au niveau de la soute inférieure arrière.

La zone arrière est très différente de celle des SGT

On descend ensuite dans la soute inférieure arrière, qui n'a presque pas changée par rapport à l'appareil d'origine. On retrouve les câbles de commande de vol qui courent le long du plafond, ainsi que le câble du treuil.

La soute inférieure arrière vue depuis l'échelle d'accès
On avance ensuite vers l'avant, contre la cloison arrière du réservoir de carburant central, là où se trouvent les conduites de carburant, les tambours de renvois des commandes de vol et surtout le mécanisme de sortie du train en secours ! On peut également voir l'importance de l'épaisseur des cadres qui assurent la jonction entre le fuselage et les ailes.

La cloison arrière du réservoir de carburant central, avec es conduites de carburant
Et enfin, dernier arrêt avant de ressortir : un ensemble de barres métalliques posées sur des planches en bois...il s'agit de la chandelle qui doit supporter le nez pendant la manœuvre d'ouverture. Cette chandelle est constituée d'un grand pied, au bout duquel est fixé une roue qui permet de soutenir le nez lors de l'ouverture sans racler le sol. Trois fiches latérales permettent d'équilibrer l'ensemble. Il fallait installer cette chandelle avant chaque ouverture.

La chandelle de support du nez lors de l'ouverture

Après cette courte visite, il était temps de redescendre par la porte arrière. Il est intéressant de constater que près de 25 ans après sa mise à la retraite de l'appareil, l'intérieur est encore dans un état de conservation impeccable ! très peu de corrosion, très peu de saleté, cet appareil est encore dans son jus si on excepte les instruments manquants dans le cockpit.

Cette visite a été très instructive et permet de mieux comprendre le cheminement qui a été suivi par AeroSpacelines lors de la mise au point des Guppy. On comprend mieux les choix qui ont été faits par ASI lors de la mise au point du SGT201 !

Farewell Guppy !
 Many Thanks to John B for allowing us to access the inside of this Guppy as well as the "behind the scene" tour of the Pima Air and Space Museum !