lundi 19 mai 2014

Des photos inédites de l'accident de Finkenwerder

L'accident le plus grave qu'ait connu le Super-Guppy F-BPPA a eu lieu le 5 novembre 1982 à Finkenwerder (Hambourg). Peu avant 11 heures du matin, alors que l'équipage à fini le chargement et s'apprête à fermer la porte, le vent s'engouffre dans le nez et l'ouvre

Pour en savoir plus sur cet accident, voir ici.

Ayant eu la chance de rencontrer d'anciens navigants, un ancien commandant de Guppy, M. Layrisse, possédait des photographies en couleur de l'incident, et à bien voulu me les confier. Je les publie donc ici en exclusivité.



Vue du cockpit depuis l'arrière, le nez est venu s'encastrer contre l'hélice du moteur numéro 2


Autre vue avec un champ plus large, on aperçoit également les câbles qui retiennent encore les deux parties ensembles...


Vue sur le côté avec déjà deux grues de relevage qui sont sur place pour "soulager" le poids du nez sur les câbles et éviter des dégâts supplémentaires.
Le nez est tombé sur le radôme, et aussi bien radôme que radar devront être changé
La dernière photographie a été prise probablement le 8 ou le 9 novembre pendant les opérations de relevage du nez
Un grand merci à P. Layrisse de m'avoir confié ces photographies !

lundi 12 mai 2014

Visite du Super-Guppy de la NASA

Au terme de mon périple aux Etats-Unis le mois dernier, il me restait un dernier "objectif" de visite que je ne voulais pas manquer : le Super-Guppy de la NASA bien sûr !

Le dernier Super-Guppy en état de vol, basé à El Paso, Texas


L'histoire remonte à novembre 2012 lorsque je suis allé visiter le Super-Guppy F-BTGV en angleterre : Gaz, son responsable m'avait indiqué qu'il avait un contact à la NASA qui pourrait éventuellement me donner accès. Lors de la préparation de mon périple, j'ai donc contacté Stuart, qui est le "lead engineer", c'est à dire le responsable de la maintenance du Guppy de la NASA, afin de voir si il était possible de visiter le dernier Guppy en état de vol, qui n'est autre que l'ex Guppy numéro 4 d'Airbus, le F-GEAI

Stuart m'a répondu par retour de mail qu'il pouvait nous accueillir ma femme et moi sans problème pour une visite du Guppy, et que nous avions de la chance car l'avion est immobilisé pour modernisation à la date prévue pour notre visite !

De loin, sans bâtiment autour, il n'a pas l'air si grand !

Le 24 avril dernier donc, direction l'aéroport de Dallas Fort Worth pour faire un aller retour sur El Paso au Texas. La journée n'a pas très bien commencée pour cause de l'avion qui nous a fait le coup de la panne, une sombre d'histoire d'APU tombé en rade couplé à une fuite dans le circuit pneumatique...et bref il a fallut changer d'appareil ! Un vieux MD-80 remplaçant un autre vieux MD-80, nous avons enfin pu partir avec 2 heures de retard. Entre temps, j'avais réussi à changer mon billet pour repartir deux heures plus tard le soir, afin de ne pas trop écourter la journée !

Il brille, et il dépasse bien, vu depuis l'avion à l'atterrissage 

Arrivé à El Paso, j'ai déjà eu la surprise de voir le Guppy lors de l’atterrissage, brillant de mille feux à proximité de la piste ! Il faut dire qu'avec son revêtement polishé à l'extrême, il réfléchit bien la lumière du soleil, et du soleil il y en a dans cette partie des Etats-Unis. El Paso est une ville située à l'extrême nord-ouest du Texas, à quelques kilomètres de la frontière mexicaine, et le Guppy à du déménager ici suite à des problèmes de corrosion, et il a été décidé que le placer dans un climat chaud et sec serait bien meilleur pour le long terme, plutôt que de le laisser à Houston où le climat est beaucoup plus humide. La NASA possédant une petite installation à El Paso, qui se situe à moins de deux heures de vol de Houston, l'endroit était tout trouvé pour assurer le meilleur climat possible au N941NA !

La vitrine de l'aéroport d'El Paso...une belle découverte !


Même si il ne vole pas beaucoup (entre 100 et 150  heures de vol par an), le N941NA reste actif : il a beaucoup servi pour la construction de la station spatiale internationale (l'ISS), et sert maintenant à transporter des composants pour la nouvelle capsule Orion, après avoir également servi pour transporter les simulateurs de navette spatiale qui sont actuellement exposés au Museum of Flight de Seattle et au musée de l'USAF de Dayton.

Le nouveau nom du F-GEAI


Stuart m'avait également indiqué qu'il y avait une vitrine à l'intérieur de l'aéroport avec des maquettes des avions de la NASA qui ont été basés à El Paso au fil des ans. Installée dans le couloir d'un hall de l'aéroport, cette vitrine retrace l'histoire du dépôt. De haut en bas on trouve un Shuttle Training Aircraft ou "STA", un Gulfstream modifié avec un cockpit de navette spatiale utilisé par les astronautes pour s'entrainer à l'atterrissage de la navette spatiale, un T-38 "Talon", le Super-guppy, et un SCA, un 747 porte-navette.

La flotte des Gulfstream STA


Une fois arrivé sur le site d'El Paso, Stuart nous a présenté à la fois les activités et l'histoire du site. Déjà première précision, ce n'est pas un "centre" de la NASA, c'est un dépôt, aussi appelé "FOL" pour Forward Operating Location", qui historiquement était la base des STA ou "Shuttle Trainer Aircraft", une flotte de Gulfstream fortement modifiés pour simuler l'approche et atterrissage de la navette spatiale. Chaque appareil comportait un siège et une moitié de planche de bord identique à ceux de la navette spatiale, alors que toute la moitié droite était configurée comme un Gulfstream ordinaire. De 1981 à 2011, tous les commandants et pilotes de navette spatiale sans exception ont effectués des millions d'approches simulées grâce à ces appareils, générant ainsi une forte activité sur El Paso, mais hélas, toute cette activité à disparue depuis 2011.

La maintenance des T-38 est la grosse activité d'El Paso avec le Guppy


L'autre spécialité du FOL d'El Paso, c'est la modification et la maintenance au niveau dépôt de toute la flotte de T-38 "Talon" de la NASA. La NASA est un gros client des T-38 : appareil d'escorte, de liaison pour les astronautes, d'entrainement et de maintien des licences de pilotage, les astronautes l'utilisent beaucoup. Or cette flotte est assez vieille et le T-38 n'est pas un avion de conception récente. Les techniciens d'El Paso ont donc pour missions de "regénérer" des T-38 à partir des appareils existants. Pour ce faire, les techniciens vont changer les entrées d'air, refaire les longerons des ailes et du fuselage, refaire les harnais de câbles, moderniser le cockpit etc... C'est un vrai boulot d'artisan que de refaire ces T-38 et les techniciens qui travaillent sur place sont de vrais magiciens et parviennent à faire un avion presque neuf avec un avion en plus que bon état d'usage !

Et le Guppy, of course !! magnifique et étincelant !!


Et enfin, El Paso, c'est le Guppy ! N941NA est la nouvelle identité du F-GEAI d'Airbus, et il est utilisé en continue par la NASA depuis 1997, et volera encore pendant plusieurs années. Il est d'ailleurs en chantier pour une modernisation ambitieuse de ses systèmes de vol !

Welcome onboard N941NA !
Comme à la maison !
Autant dire que j'ai le sentiment "d'être à la maison" en montant à bord...l'odeur est exactement la même d'un Guppy à l'autre, surtout par une chaude journée comme celle là où il fait probablement 38° à l'intérieur de la soute et du cockpit, malgré une petite clim censée pulser de l'air frais à l'intérieur ! Bref, ça me rappelle tout à fait les visites cockpits des Ailes Anciennes !

Le treuil et ses élastiques...plus une nouvelle caisse à outils !

On notera à l'intérieur le treuil qui est équipé de ses élastiques de maintien. Le but de ces élastiques est de tendre la câble d'acier du treuil, rustique mais efficace ! On notera également que la NASA à installé une bonne caisse à outils qui reste dans l'avion en permanence pour pouvoir faire face à tous les petits bobos d'un avion dont les premiers éléments ont volés il y a 65 ans !! La centrale électrique n'a pas changée non plus...si ce n'est l'ajout d'un sticker "NASA" !

La centrale électrique n'a pas bougé !

La montée dans le cockpit réserve une surprise : il est vide...non non pas vide, mais vraiment vide : les sièges sont partis, la planche de bord, les sièges passagers, tout....il ne reste que le panneau du mécanicien navigant qui reste encore à peu près intact ! Alors que se passe-t-il ? La NASA s'est embarquée dans une grande opération de modernisation de son Super-Guppy, et il est immobilisé pour plusieurs mois. Dans la cadre de ce programme, quasiment tous les équipements radio seront modernisés, et la planche de  bord intégralement refaite, avec des instruments à affichage numérique ! Le guppy va passer de l'âge de pierre au XXIème siècle ! Au programme : ajout d'un TCAS (indicateur anti-collision), un vrai GPS, et un EFIS (hoizon artificiel / directeur de vol) digne de ce nom ! Bon en revanche pas de miracle sur le reste : aucun pilote automatique ou assistance sur les commandes n'est au programme !

Passé ma surprise initiale, j'ai hâte de découvrir ce que ça va donner !

L'habituel passage..


La planche de bord...ou du moins ce qu'il en reste : quelques faisceaux de câbles... 
Le panneau du mécanicien navigant, le seul épargné...
Le système de dégivrage des ailes qui fonctionne à l'aide de brûleurs est désactivé à la suite d'un incident où les pilotes ne pouvaient plus l'arrêter, risquant ainsi un incendie...la NASA à depuis décidé de faire sans !

Le panneau des disjoncteurs, avec les breakers du dégivrage bloqués.

Le rack de documentation est au dessus de la porte contrairement au GV ou PA
On découvre toute la structure interne de l'appareil, y compris la partie avant !

On passe ensuite dans a soute, et là un aperçu différent de ce que je connais : la NASA à retiré tout le capitonnage intérieur de la soute il y a quelques années, dans un souci d'alléger l'avion et de mieux détecter les problèmes de corrosion. On découvre ainsi toute la structure interne de l'appareil, y compris à l'avant ! Je regrette ne ne pas avoir pris le trépied pour prendre de meilleures photos !

Détail intéressant, toutes les tuyauteries hydrauliques et électriques qui passent au niveau de la charnière de la porte, chose que l'on ne voit pas sur le GV ou le PA. On se rend ainsi compte qu'Aerospacelines avait quand même fait le maximum pour minimiser les déconnections de câbles nécessaires lors de l'ouverture de la porte principale !

L'enchevêtrement des câbles électriques et hydrauliques au niveau de la charnière
Et les câbles redescendent vers le cockpit ou vers le rack avionique...

Toute la structure avant est bien visible !

Sur le toit on découvre aussi des trous...c'est là que toutes les nouvelles antennes vont être rajoutés !

ça va faire un beau paquet d'antennes !
Le joint rouge marque la station 300, l'ouverture du nez, et on voit distinctement les vérins hydrauliques
Arrivé enfin à l'arrière où il y a les deux enregistreurs de vol, dont le fameux data recorder qui a disparu sur le PA !

Les enregistreurs de vol dans le cône de queue
Ensuite retour à l'extérieur, pour un peu d'air frais et un petit tour de l'appareil !

Un des deux  volet de profondeur a été démonté pour être remis en état
Polishé déjà à plusieurs reprises et constamment nettoyé, l'appareil est vraiment étincelant, et on peut s'admirer dedans ou presque !
Le "S" de Super-Guppy, avec en fond le drapeau texan !
La charnière, potentiel point faible qui est surveillée de près !
à l'intérieur des nacelles moteur, les réservoirs d'eau méthanol ont été retirés...
Et au fil des ans, les quelques fuites d'eau ont stagné, générant une importante corrosion qu'il faut traiter..

La nacelle qui permet d’accéder au toit histoire de percer des trous...
Ah tiens, j'ai retrouvé la planche de bord !

Nous avons fait également le tour du "hangar Guppy" où sont stockés toutes les pièces détachées et le matériel d'entretien. Il y a les plateformes de chargement, des hélices d'avance, une nacelle moteur de rechange etc.

Principale découverte, la "rescue platform" dont je n'avais jamais entendu parler. Il s'agit d'une plateforme transportable par Guppy et autonome. Motorisée, elle possède donc des pieds repliables et peut se hisser à bord du Guppy à l'aide du treuil interne. Elle était utilisable si un Guppy se trouvait immobilisé sur un terrain isolé, un second Guppy pouvait ainsi venir avec cette plateforme à bord et transborder le chargement de son frère immobilisé permettant ainsi de ne pas retarder la chaîne Airbus...


Les plateformes de chargement son également stockés à El Paso.

La "rescue plateform", plateforme autonome transportable par Guppy, utilisable en cas d'urgence sur un terrain non équipé.

Bâti, support de roues et de train

Un train principal de rechange prêt à l'utilisation
J'ai ensuite pu discuter du Guppy avec l'équipe d'El Paso...et il semble que les "failles" du Guppy soient toujours les mêmes : la corrosion et les fissures, un train atterrissage pas toujours coopératif, et une difficulté de plus en plus croissante à trouver des pièces de rechanges ! Puis est venu le temps de repartir si je ne voulais pas rater mon vol...et chacun est parti fouiller dans son bureau à la recherche de stickers et de patch à me donner !!! je suis donc reparti avec de beaux souvenirs !

Après le décollage du vol de retour, j'ai eu la chance de survoler le dépôt...j'avais gardé l'appareil photo à portée de main au cas où...bien m'en a pris, j'ai eu de belles images de ce beau Guppy ! Une bien belle journée au final !

Sur le chemin du retour, une belle vue du dépôt

Many thanks to Stuart who took the time to show us the history and the work of the El Paso Depot, and many thanks to all the skilled enginneer and technicians who are doing a wonderful work on those aircrafts, and were happy to share their work with us !