mardi 1 mai 2018

Ballade en Guppy

L'année 2017 restera une année particulière : celle de mon baptême de l'air en Guppy à bord du NASA 941, toute une aventure !

Paré au départ ! (Non, en fait on attend un VRAI pilote...)

Tout à commencé au début du mois d'octobre, lors de vacances en famille aux Etats-Unis : un voyage de trois semaines qui devait nous entrainer à Washington D.C, puis Dayton Ohio et enfin le Texas avec Dallas et Houston au programme ! Le hasard faisant bien les choses, nos dates à Houston devaient coïncider avec le grand show aérien d'Ellington Field, le "Wings over Houston Airshow", show auquel le Guppy devait participer en exposition statique : les choses se présentaient donc bien pour revoir le Guppy, et peut-être même l'apercevoir en vol !

Arrivée sur Ellington

Pourtant, rien ne laissait présager du mail que j'allais recevoir le 11 octobre, de la part de David Elliott, manager du Super Guppy, me disant que c'était un plaisir de m’accueillir de nouveau à Houston, et que j'avais de la chance car un vol spécial était prévu pour le Guppy : un "vol de récompense" pour certains employé de la NASA et que pour me remercier de mon aide, j'étais convié à participer à ce vol ! Quelle joie : non seulement revoir le 941 de près, mais en plus obtenir mon baptême de l'air en Guppy, voilà qui était totalement inespéré ! Et voilà la course lancée pour obtenir mon autorisation de vol : demande de badge spécial "étranger", questionnaire médical et validation de la division... au final, tout s'est bien passé, et j'apprendrai plus tard qu'une petite armée d'employés de la NASA ont travaillé d'arrache pied afin que j'obtienne toutes les validations en temps et heure ! Le vol étant prévu pour le 27 octobre, il ne me restait qu'à attendre !

Touch and go puis tour de piste...

Mercredi 18 Octobre : Arrivée du Guppy de la NASA à Houston en provenance d'El Paso
Cette journée était consacrée à la visite du centre spatial de Houston, mais grâce à FlightAware, je savais que le Guppy était en route vers Ellington Field depuis sa base d'El Paso. L'arrivée était prévue en fin d'après-midi, l'occasion d'aller jouer au "spotter"en me garant dans l'axe de la piste à proximité de la base d'Ellington. Au final un excellent choix, car le Guppy est apparu comme prévu mais en prime j'ai eu droit de l'observer par trois fois, car il a fait pas moins de deux "touch and go" avant de se poser pour de bon ! C'est une habitude de la NASA pour entraîner les pilotes sur cet appareil qui au final ne vole pas tant que cela.

En finale...

Dimanche 22 Octobre : Super Guppy en exposition statique au "Wings over Houston airshow"
Malgré une météo maussade le matin, le show aérien d'Ellington fut un grand succès, avec un défilé impressionnant d'appareils de toutes les époques, mais aussi le Guppy qui a une fois de plus attiré les foules ! 

Au Houston Airshow...avec mon fils qui préfère retourner vers maman que de poser avec son papa !

Mardi 24 Octobre : Retour à Ellington
Le mardi suivant, j'étais de retour à Ellington, l'occasion de revoir tout ceux que j'avais déjà rencontrés en 2015 lors de mes recherches dans les archives de la NASA. J'ai pu passer du temps avec les mécaniciens navigants et les mécaniciens sol de la société DynCorp à qui la NASA sous-traite une partie de l'entretien de ses appareils, mais l'heure n'était pas à la fête : un problème de train avait été détecté lors du vol précédent, et il fallait le résoudre au plus vite : pour cela, l'appareil avait été posé sur vérin, et j'ai pu assister à un spectacle rare : la montée et la descente des trains au sol ! C'est pour le moins inhabituel de voir un Guppy au sol avec son train rentré !



Malheureusement plus le temps passait et plus le problème devenait mystérieux ! Aux soucis de train s'ajoutait également des problèmes électriques dont l'origine demeurait mystérieuse (j'allais apprendre cette semaine là combien "Guppy" peut rimer avec "mystère"...)

Train avant rentré...un des nombreux essais de montée/descente du train réalisé ce jour là...
Mercredi 25 Octobre : Investigations sur le train d’atterrissage
Le mercredi fut consacré à de nouvelles investigations sur les problèmes de trains pour tenter d'en déterminer l'origine, en faisant appel à de plus en plus d'experts pour tenter de cerner le problème. Un possible problème ayant été détecté sur les interrupteurs de fin de course du système de relevage du train avant, il fut décidé de procéder à un vol d'essai. Une fois de plus j'étais au cœur de l'action, participant même à la visite prévol et au démarrage de l'appareil ! Après l'arrivée des pilotes, je suis redescendu pour assister au décollage depuis le bord de la piste.

Atterrissage d'un T-38 pendant que le Guppy roule pour se préparer à décoller.
Décollage et montée...

Extérieurement, le vol avait l'air de se dérouler parfaitement, le décollage fut impeccable de même que l'approche et le poser de l'appareil..mais arrivé au parking, ce fut la mauvaise nouvelle : pas d'amélioration du comportement du train avant lors de sa sortie...et donc décision de clouer le Guppy au sol le temps d'enquêter plus en avant....



"Mon" vol étant prévu moins de 48h après (et mon retour en Europe étant prévu le lendemain du vol en question), je voyais mes chances de faire mon baptême de l'air en Guppy de plus en plus incertaines et ce soir là mon moral n'était pas franchement au beau fixe. Je me suis souvenu de ce que beaucoup de navigants m'ont raconté sur le Guppy, et surtout du fait qu'il se développe toujours une relation d'amour et de haine avec cet appareil qui peut voler merveilleusement bien un jour et développer des symptômes de pannes les plus improbables le lendemain...ce soir là, j'ai compris pour l'avoir vécu directement combien ce témoignage est vrai...

Jeudi 26 Octobre : 1er vol
Jeudi matin, retour à Ellington Field, sans trop savoir à quoi m'attendre au vu des évènements de la veille. J'espérais secrètement un miracle qui me permettrait de voler le lendemain tout en essayant de prendre mon mal en patience. Pourtant la nuit avait porté conseil et il avait été décidé que les problèmes de trains, bien que devant être diagnostiqués et résolus au plus vite, ne posaient pas de risque à la sécurité des vols, ce qui autorisait l'appareil à effectuer un nouveau vol d'essai le jour même pour prendre des relevés du comportement du système électrique au moment de la sortie du tain d’atterrissage. Ne sachant pas trop ce qui allait se passer par la suite, les cadres du Guppy m'ont proposé de venir voler avec eux pour ce vol d'évaluation le jour même, de sorte que si par malheur le Guppy ne pouvait pas voler le lendemain, j'aurai quand même eu droit à mon baptême de l'air. Bonne nouvelle pour moi donc !

Rendez-vous était pris à 13h00 pour préparer le vol, puis décalage à 14h puis 15h puis 15h30 : attendre, attendre sans avoir grand chose à faire...tout en étant prêt à partir dès que le go sera donné : bref, ronger son frein ! à 15H30, les mécaniciens de DynCorp étaient encore dans le puits de train avant pour effectuer les derniers réglages !

En attendant, je n'ai pas tout perdu : je suis allé au "magasin" du site pour récupérer une combinaison de vol ! Et pas n'importe laquelle : une belle combinaison bleu-roi qui est celle portée par les équipages et les astronautes de la NASA ! Normalement elles sont réservées aux gens de la NASA, les visiteurs ayant le droit aux combinaisons vertes de l'Air Force, mais grâce à la bienveillance de David Elliott (plus quelques écussons des Ailes Anciennes Toulouse distribués aux bonnes personnes !), j'ai pu obtenir le graal : une combinaison en nomex bleue avec ma plaque patronymique dessus !

Posant fièrement avec ma combinaison de vol !
Pendant ce temps là, l'appareil était enfin prêt : temps de faire la visite prévol toujours en compagnie de David Elliott, puis de s'installer dans le cockpit et d'entamer la préparation du vol, avec entre autre la détermination des paramètres de base : niveau de kérosène, niveau de réserve, chargement, vitesses de décollage et température des moteurs. 

Aujourd'hui ce sera un décollage à 127 000 livres (57,6 tonnes, c'est à dire tout léger car l'avion à vide pèse 46 tonnes), ce qui signifie que la TIT (température d'entrée turbine, qui est le paramètre déterminant la puissance des moteurs) sera de 1049°C à sec (c'est à dire sans utilisation du système d'eau-méthanol), et l'équipage sera de 7 personnes, à savoir deux pilotes (Gregory Johnson, ex astronaute et chef de la division avion, call sign "Ray J", et Ray Heineman, call sign Ray-Ray), deux OMN (David Elliott et Matt Smithers), deux mécaniciens pour surveiller les couacs éventuels du système électrique (Gregory Allen et Nelson Reyes de Dyncorp) et moi-même, listé en tant qu"observateur" ! Pour l'occasion j'ai eu le droit de m'asseoir sur le siège d'appoint situé juste derrière le siège du commandant, ce qui me laisse une vue sans encombre vers l'avant, et me permet également de suivre ce qui se passe sur la planche de bord du mécanicien navigant. j'ai également droit à un casque branché sur le circuit de bord, je ne perds donc pas une miette de la conversation entre les différents membres d'équipage !

Les paramètres de vol sont prêts
Ray-Ray et Ray-J aux commandes : fin de la checklist, les moteurs sont dans le vert, on peut partir !
Le démarrage des moteurs s'étant bien passé, et après avoir déroulé toute la checklist pour vérifier que l'appareil était en ordre de vol, il était temps de quitter le parking, direction la piste 17R pour décoller après avoir obtenu la permission de la tour. Sur ce vol, c'est RayRay qui est en place gauche et qui dirige l'appareil au sol. Il est 17h25 heure local lorsque dans un crissement de frein caractéristique le Guppy s'aligne en bout de piste.

C'est parti !

Dernière vérification des paramètres moteurs et RayRay pousse les 4 manettes des gaz au maximum, faisant hurler les réacteurs de toute leur puissance, la TIT montant rapidement à 1049°C comme prévu. Nous remontons lentement la piste dans un vacarme assourdissant et avec une impression de lenteur : la vitesse ne grimpe pas très vite sur le badin ! Et enfin, l'appareil quitte la piste : les vibrations cessent d'un coup, et je vois l'altimètre qui commence à grimper tout doucement. Nous montons à 3000 pieds avant de tourner sur la droite, ce qui entame un grand tour de piste. la vue est magnifique et je ne perds pas une miette du spectacle, sauf si c'est pour regarder Matt qui est au poste de l'OMN et qui tel un acrobate règle à la fois la puissance des moteurs, la consommation du kérosène et les différents système électriques de l'appareil.

Après un dernier virage, nous nous retrouvons face à la piste. RayRay est toujours à la manœuvre et amène le Guppy en finale sur la 17R, et c'est l'heure du moment de vérité : est ce que le train d'atterrissage voudra bien sortir sans provoquer de décrochage des génératrices électriques ? Ray-J actionne la commande de train...et le voyant de déconnexion d'une des quatre génératrices s'allume brièvement : le problème n'est toujours pas complètement réglé, mais pas d'impact sur la gestion de l'appareil. La fin de l'approche se passe sans encombre, et nous touchons la piste, suivi du passage en reverse des quatre hélices ce qui produit un freinage spectaculaire ! Je regarde ma montre, il est 17h39 : le vol à duré 14 minutes à peine, mais j'ai bien profité de chaque seconde ! Au moment du debriefing post-vol, il est décidé que l'appareil pourra voler le lendemain : je viens donc de gagner le droit de faire un second vol !

En approche !

Vendredi 27 Octobre : 2ème vol 
Ce matin là, je me sentais tel un astronaute en endossant "ma" combinaison bleue et mon blouson de vol dès l'aube : Rendez-vous à Ellington avec l'équipage du "Reward flight" : Deux pilotes (Ray-J et RayRay) et 1 OMN (David Elliott), ainsi que 5 employés de la NASA et moi-même : 9 personnes dans le cockpit : la limite maximum de l'appareil ! Pour l'occasion, je choisi de laisser les autres profiter de la vue et je m'installe sur le strapontin qui est dos à la route, mais à côté de la planche de bord du mécanicien navigant : je peux quand même observer ce qui se passe sur les instruments de bord ! Pour ce vol, C'est Ray-J qui est en place gauche et Ray-Ray qui est en place droite. Il est 9h40 lorsque le Guppy décolle de la piste 17R.

David Elliott en place arrière surveille les pilotes : Ray-J à gauche et Ray-Ray à droite
Vue de Galveston Bay depuis le cockpit

Vue d'un échangeur autoroutier à plusieurs étages....on ne perd pas un détail à 3000 pieds !

Aujourd'hui, le vol va nous emmener faire une grande ballade autour de Galveston au sud, en longeant le golfe du Mexique, avant de remonter au nord, passer au large du centre ville de Houston avant de revenir plein sud pour retourner vers Ellington Field.

Le GPS est bien utile pour suivre le vol

3000 pieds...le Guppy n'est pas un avion de haute altitude...
Derrière la console du mécanicien navigant...
Le vol va durer près d'1h10, à une altitude de 3000 pieds en moyenne (soit un peu plus de 900mètres d'altitude), et le retour se fera sur Ellington à 10H50 heure locale, concluant ainsi mon deuxième vol sur l'appareil. Je cumule donc actuellement un temps de vol total de 1h23min sur Super Guppy ! Que d'aventures pour en arriver là, et surtout un grand merci à tout ceux qui ont œuvré dans l'ombre pour que la grande machine bureaucratique qu'est la NASA me permette de faire ce vol tout en respectant les règlements en vigueur !

Après le retour au parking et le debriefing, il ne me restait plus qu'une dernière tâche à effectuer : aller me changer et rendre ma combinaison bleue : hélas, pas possible de la garder !


Retour au sol !

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