vendredi 2 septembre 2011

L'histoire des Guppies (4)

Quatrième partie : Un Guppy chez Airbus (1968-1971)

Nous l'avons vu dans la troisième partie de ce récit : dès 1965, des contacts avaient été établis entre ASI d'une part et Sud-aviation de l'autre. Après le salon du Bourget de 1967, Jack Conroy emmena le Mini-guppy jusqu'à Toulouse pour rencontrer les responsables de Sud-aviation.

Côté français, on notera le travail de Pierre Jorelle, à l'époque président de la compagnie générale d'aéronautique. C'est lui qui contactera ASI en 1965, à la demande du CNES, pour demander plus d'informations sur le Super-Guppy de la NASA, et ses contacts seront utilisés par Sud-aviation pour les négociations avec Aero Spacelines Industries.

En 1968, les négociations s'orientaient vers la vente d'un Super-Guppy à Sud-aviation pour le programme Concorde. Si Sud-aviation avait besoin d'un Super-Guppy, elle souhaitait y apporter des modifications, notamment au niveau de la largeur du plancher, qui ne permettait pas de charger le caisson central du Concorde. Adapter l'élargissement du plancher réalisé pour le Mini-guppy permettait de résoudre ce problème. Le choix d'une nouvelle motorisation, avec des turbines Allison, comme sur le Mini-guppy Turbine, donna naissance à un nouvel avion : le Super-Guppy Turbine 201 ou SGT. Il bénéficia également d'un système d'ouverture à l'avant, organisé autour d'une unique charnière montée sur une rotule.

Profil du SGT201

L'autre aspect du dossier était le problème concernant l'exploitation et la maintenance de l'appareil, étant donné que ASI n'avait pas vocation à devenir compagnie aérienne et ne pouvait pas assurer l'exploitation pour Sud-aviation. Différentes compagnies furent retenues, et finalement Sud-aviation finit par retenir le dossier de l'Aéromaritime, société dépendant du groupe UTA et basée au Bourget.

La construction de ce nouvel avion commença dès Août 1968, après les inévitables réunions avec la FAA en vue de certifier l'appareil. Comme pour les autres appareils, la construction commença par le dépeçage d'un KC-97, version militaire du Stratocruiser. Afin d'assurer le meilleur potentiel, tous les éléments de structure furent inspectés à l'aide de moyens non destructifs (courant de Foucault, rayons X etc....)

1969, le Super-Guppy avance, alors que les choses évoluent beaucoup en Europe...

Tout d'abord, c'est la naissance d'Airbus, avec le programme A300 qui prend forme, ce qui rend l'arrivée du Guppy encore plus critique...En effet, la répartition industrielle de l'A300 est morcelée : tronçons en France et Allemagne, ailes en Angleterre, dérive en Espagne...et le transport de ces tronçons jusqu'à Toulouse pour l'assemblage final ne manque pas de poser problème. Le transport fluvial et routier est envisagé, mais devant la difficulté d'acheminer les éléments du prototype de l'A300B1 jusqu'à Toulouse, la solution aérienne apparait comme la seule solution viable.

C'est dans ce cadre que Félix Kracht, futur patron de la production industrielle Airbus, se rendit en Californie en 1969 afin de voir la production du Guppy et d'envisager son utilisation par Airbus. Ce voyage était aussi l'occasion de constater les retards de production...retards dûs à des manques de liquidités du côté d'ASI...éternel problème de cette société...Airbus devra aider ASI pour assurer la livraison du Guppy sans trop de délai.

Ce nouveau Super-Guppy fit son premier vol le 24 Août 1970, avant de partir à Edwards pour commencer ses essais en vol. Le principal problème concernait le décrochage : en raison de la taille du fuselage, la dérive horizontale devenait inefficace à forte incidence : en cas de décrochage, même avec les moteurs à la puissance décollage, l'avion restait assis "sur les fesses"...loin d'être rassurant comme comportement ! La seule solution consistera à mettre une alarme de décrochage (voyant plus klaxon) s'activant à une vitesse légèrement supérieure à la vraie vitesse de décrochage.

Les premiers tests du nouveau système eurent lieu en septembre 1970, et ne furent pas concluants : le système ne marchait pas ! Il faudra encore de nombreux essais pour le mettre au point, le certificat type n'étant signé qu'un an plus tard, le 26 Août 1971. Dans le même temps chez Airbus, l'exploitation et la maintenance était confiés à UTA, l'exploitation étant confiée à l'Aéromaritime en particulier.

F-BTGV, dans ses couleurs d'origine

Après de longues tractations administratives, l'appareil reçu son immatriculation française le 14 septembre 1971, le N211AS devenant officiellement F-BTGV, les équipages de l'Aéromaritime pouvant enfin prendre l'appareil en   main ! Le convoyage eut lieu fin septembre, l'appareil arrivant à Paris le 28 septembre, après 23h de vol et de nombreuses escales. L'appareil transportant des caisses d'outillages...et quelques caisses de bouteilles de vin, cadeau d'ASI à UTA ! Il effectua son premier vol commercial le 2 novembre, le concept du Guppy se concrétisait enfin en Europe.

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